En 1905, décembre est si doux qu’un traversier sort de ses quartiers d’hiver pour reprendre du service
La navigation fluviale, que l’on croyait fermée pour cinq longs mois, a été rouverte hier.
Cette nouvelle étonnera le public, mais elle est tout de même authentique.
Grâce à la température printanière dont nous jouissons depuis quelques jours, le vapeur «Boucherville» a quitté ses quartiers d’hiver, et il est arrivé à Longueuil, hier après-midi, salué par les vivats d’une foule ébahie.
Le brave capitaine Mandeville, revêtu de ses plus beaux habits de commandant, venait annoncer à la population de la petite ville-sœur que le «Boucherville» ferait la traversée de Longueuil à Hochelaga, tant et aussi longtemps que les eaux du majestueux Saint-Laurent ne seraient pas couvertes d’une couche de glace.
D’autres voyages à bord d’un bateau, quand on avait déjà répété à satiété, par monts et par vaux, que la saison fluviale était bel et bien fermée. En vérité, c’était assez pour faire accourir sur le quai nombre de citoyens qui voulaient se payer le luxe d’une courte promenade sur l’eau et d’une visite à Montréal.
Vers quatre heures de l’après-midi, hier, le «Boucherville» laissait son quai pour Hochelaga, bondé de passagers joyeux comme un couple parti en voyage de noce.
Plusieurs citoyens de Montréal, qui avaient entendu le sifflet du «Boucherville», s’étaient rendus au débarcadère pour serrer la main du capitaine et le féliciter.
Le vapeur a continué la traversée jusqu’à six heures et demie, et on se propose de le tenir en service aussi longtemps que la température le permettra.
C’est la première fois, assure-t-on, qu’un bateau en hivernage revient si vite faire son apparition à Montréal.
La Patrie, 9 décembre 1905.
La photographie du traversier Boucherville provient du Musée McCord.