Skip to content

Hommage au soleil d’automne

sur le fleuve au lever du soleil

Charles, ce cher Charles, se sent l’âme pour s’adresser au soleil. Sous le titre «Le soleil d’automne», il propose son texte au journal Le Monde illustré qui le publie le 17 octobre 1885.

Brumes et rosées précèdent maintenant le lever du soleil.

C’est dans un nuage d’encens et un lit de diamants que monte le souverain lumineux que presque tous les peuples adoraient à l’origine, comme le dieu du monde.

Je ne sais rien de plus grandiose, en effet, que le spectacle donné, en cette saison, par l’aurore attardée dans les brouillards, puis s’épanouissant largement à l’horizon. On dirait une urne de flamme qui se penche et se vide dans la nue. Mille feux scintillant comme des étincelles s’allument sur la plaine humide et dans les verdures mouillées, et de longs fils d’argent épars sur les gazons semblent la robe de gaze que l’aube a déchirée en s’envolant dans l’espace.

On sent déjà qu’il faut un effort à la lumière pour vaincre l’ombre persistante et les premières enveloppes dont l’hiver l’enchaînera bientôt. Elle n’en paraît que plus triomphante et plus victorieuse.

Comme tes caresses sont douce, ô soleil d’automne !

Arrivant après les nuits fraîches, tu sembles venir de plus loin que le soleil d’été, comme un ami plus persévérant et plus fidèle. L’inattendu de ta chaleur pénètre plus profondément. Elle étonne et charme comme la gaieté de certains vieillards attardés joyeusement au déclin de la vie. Tu es, d’ailleurs, un astre de luxe, car tu ne fais plus mûrir, soit dit sans reproche, aimable soleil d’automne.

Mais quelle illusion de richesse tu répands sur ton passage ! Tu parais d’autant plus charmant que tu es plus inutile. C’est un faste à la portée de tous que tu nous apportes sur tes rayons. Tu donnes aux haillons mêmes un certain air de fête, comme le soleil d’Espagne qui trouve des splendeurs pour la misère elle-même.

Combien de temps te garderons-nous encore ? Combien de jours ? Combien d’heures peut-être ? Car tu traînes sur tes pas quelque orage, sans doute, dans lequel tu disparaîtras sans retour parmi les neiges et les frimas. J’ai donc voulu te saisir au passage pour te faire un compliment reconnaissant, fugitif et doux soleil d’automne !

CHARLES.

La photographie fut prise au lever du soleil, sur le fleuve Saint-Laurent, à la hauteur de Cap-Rouge.

No comments yet

Publier un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Vous pouvez utiliser des balises HTML de base dans votre commentaire.

S'abonner aux commentaires via RSS