Nouvel arrêt sur un autre livre américain de mise en mots de la nature
L’automne dernier, je croise un collègue du quartier, Jacques, qui me dit avoir beaucoup aimé mon livre Un Citadin à la campagne.
Pour lui, je faisais œuvre dans ce livre de «nature writing» et je prolongeais ma démarche sur ce site internet. Il se demandait d’ailleurs pourquoi cette façon de faire très aimée aux États-Unis depuis des lunes — pensons à Henry David Thoreau voilà plus de 150 ans — pourquoi cette mise en mots de la Nature avec un supplément d’âme n’a jamais été très fréquente au Québec
Jacques m’a fait parvenir une bibliographie à ce sujet. Parmi ces livres, se trouve celui de Rick Bass, né en 1958, biologiste et géologue de l’Université de l’Utah qui est déménagé en 1987 dans la vallée du Yaak dans le Montana. En français, son livre — Le journal des cinq saisons — est disponible en poche chez Gallimard depuis 2011.
Le Montana n’est pas la vallée du Saint-Laurent. Dans son pays de montagnes, l’auteur nous parle de wapitis bramant, de grizzlys, d’ours bruns, d’un milieu d’excès où la nature est particulièrement sauvage. Mais il y a des pauses, des réflexions soudaines où il prend beaucoup de recul.
Voici un texte apparaissant dans la portion de son livre intitulé «Septembre».
Le monde forme un tout, quand une chose disparaît, une autre prend sa place. Ce n’est sans doute là qu’un mythe auquel il est pratique pour nous de croire, mais plus on regarde un cycle, un processus ou un mouvement de près, plus on s’aperçoit qu’il pourrait être davantage qu’un mythe, quelque chose comme une réalité scientifique observable.
La terre s’incline, s’éloigne de plus en plus du soleil dans sa course, et les jours se font déjà plus brefs, mais la lumière gagne en qualité; même si le poids des choses et leur contact changent, une sorte d’équilibre est maintenue. Je parle d’un équilibre autre que physique ou émotionnel. D’une forme différente d’équilibre.
Comme notre langage a peu de mots, en vérité, à sa disposition ! Je suppose qu’on pourrait parler d’une sorte d’équilibre spirituel, et il est assez réconfortant de se dire qu’il existe au cœur de chaque chose — dans les tempêtes maritimes et les typhons, l’œil des cyclones, le pas hésitant des faons, les chenilles de toutes espèces qui découpent les feuilles —, partout un équilibre qui se cherche, même si nos yeux ou nos esprits ne savent pas le discerner, même si nous ne parvenons pas à en reconnaître la présence à l’intérieur de nous-mêmes.
Il faut bien qu’il soit là aussi. Puisqu’il existe partout, pourquoi ne serait-il pas aussi en nous ?
La lumière devient de plus en plus intense tandis qu’elle décline lentement. Même la lueur des trembles et des mélèzes, telle la flamme d’une bougie, semble conspirer pour emplir doucement le cœur — un cœur dont on croyait pourtant qu’il était déjà plein — et même les composantes chimiques du sang, si étranges quand vient l’automne, semblent se charger de lumière quand les jours raccourcissent, et nous sommes sevrés — d’abord lentement puis de plus en plus vite — de cette munificence de jaune et d’or, propre à l’été.
Je me demande pourquoi, dans nos romans on trouve si peu de référence à nos plantes, oiseaux, arbres. C’est comme s’il nous manquait des mots. En Ontario, il y a un courant enraciné que j’aime beaucoup, southern ontario gothic. Mais mon livre de nature préféré est le merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède (Selma Lagerlöf), version longue. merci pour vos références de lectures, elles sont appréciées.
Merci, chère Madame Caroline. Pour les descriptions magnifiques liées à la Nature, il faut lire Germaine Guèvremont, Le Survenant. Cette dame avait toute une culture. Vous en trouverez des pas mal du tout dans Gabrielle Roy, Cet été qui chantait. Les deux sont disponibles, l’un en poche, l’autre en compact. Il y a aussi les ouvrages de mon ami Pierre, le poète Pierre Morency, sur les oiseaux, chez Boréal. D’autres de mes amis, le poète Jean Désy, médecin et grand coureur du Grand Nord, et l’écrivain Jean O’Neil se livrent aussi à l’occasion à la mise en mots de la nature.
Mais, globalement, il est vrai que ça manque. Il y a une grande absence. Pour Nils Holgersson, vous avez tellement raison.
J’oubliais. Il y a aussi le livre de Pauline Collet, L’hiver dans le roman canadien-français (Presses de l’Université Laval, 1965), qui peut nous mettre sur des pistes d’auteurs possibles.