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La Mère Valiquette

tete dindienne

Voici une dame importante. Elle n’a pas la notoriété des politiques de son temps, mais, dans son coin du monde, elle est précieuse et les populations locales l’apprécient grandement.

Il s’agit de la Mère Valiquette, fille de Métis. On la trouve peut-être dans une histoire de la Lièvre, colon elle-même au milieu des colons ? On voit quelques détails à son sujet sur internet, dont une rue qui porte son nom à Buckingham. Le 29 septembre 1904, La Patrie (Montréal) lui rend hommage à l’occasion de son décès à Saint-Gérard de Montarville.

Le 23 de ce mois, avaient lieu, à St-Gérard de Montarville, les funérailles de feu Madame Veuve Magloire Valiquette, née Marie Louise McGregor, âgée de 86 ans, morte le 21 du courant, après une courte maladie de 12 heures.

La mère Valiquette est née au Nord-Ouest, vers 1818; sa mère était une métisse du nom de Riel, cousine germaine de Louis Riel, qui a joué un certain rôle au Nord-Ouest.

Son père, J. McGregor, était écossais, au service de la compagnie de la Baie d’Hudson, à cette date.

Quelques années après sa naissance, ses parents vinrent demeurer à Bytown [aujourd’hui Ottawa] et de là au lac des Deux Montagnes; ils la firent baptiser en passant au Sault Ste-Marie.

Mariée en première noce à un nommé Leblanc, elle eut plusieurs enfants; devenue veuve, elle épousa M. Magloire Valiquette, veuf et père des Valiquette du haut de la Lièvre [une rivière de la région outaouaise qui donne son nom à la région où elle coule].

En 1878, le père, âgé de 65 ans, la mère, de 60, montaient dans la rivière pour s’enfoncer dans la forêt, dans le canton de Bouthillier près du lac Rouge, ouvrir une terre. Cinq ans plus tard, étant montés dans la Lièvre avec le curé Labelle, j’entendais le père Valiquette dire au curé, étonné de l’aisance dans laquelle ils semblaient vivre : «Grâce à Dieu ! je n’ai pas besoin d’appeler le roi de France mon oncle».

Les vieilles gens avaient un grand désert de fait, un bon chantier, une grande grange, en pièces, une étable, plusieurs vaches à lait, des belles ! deux chevaux, trois à quatre magnifiques veaux, comme je n’en ai pas vu de plus beaux, etc., etc. — ils étaient arrivés sans le sou; le père était même infirme, il avait le pouce et l’index coupés.

La mère Valiquette était bien connue et estimée par tous les colons de l’endroit, depuis Buckingham jusqu’à la Ferme Neuve. Sa vieille mère, morte sur la rivière, il y a quelques années à 113 ans, lui avait appris son art de sage femme et de médecin en même temps — Art dans lequel la mère et la fille excellaient.

Pas besoin de dire qu’avec ses connaissances, dans un pays où le plus proche médecin était à quatre-vingt-dix milles [145 kilomètres], elle a dû rendre des services, et de grands, aux colons, dans maintes circonstances.

Pour certaines maladies, on retenait ses services huit, quinze jours, un mois à l’avance, et la nuit, le jour, on venait, à la hâte, chercher cette courageuse vieille mère, en canot d’écorce, seule manière de voyager en ce temps-là — par des temps impossibles, nuit noire, flots agités, rapides courroucés, pluie froide, portages boueux, glissants, embarrassés de pierres, de corps d’arbres, et mille autres choses.

La mère se mettait, ou à l’arrière ou à l’avant du canot, suivant l’habileté de son compagnon; un aviron dans les mains, elle maniait la palette, cinq, dix, quinze, vingt milles durant, jusqu’à destination. Si son associé se décourageait dans le trajet, elle lui disait : «Ne crains rien mon p’tit ! Le Bon Dieu ne nous abandonnera pas.»

Le voyage et la besogne se faisaient toujours heureusement, grâce à son habilité et sa prudence.

Un grand nombre de malades ont été soulagés et guéris par ses soins. Les montagnes et les savanes lui fournissaient les remèdes nécessaires à son art : elle connaissait la valeur des plantes médicinales et s’en servait toujours avec succès. Aussi les patients venaient la trouver avec confiance. […]

Les colons de la Lièvre et des alentours, les femmes surtout, perdent, en Madame Valiquette, une bonne vieille amie, une bienfaitrice et une mère qu’ils n’oublieront jamais.

 

La photographie du tableau ci-haut — Tête d’Indienne — de Holgate, par Neuville Bazin en 1945 au Musée provincial de Québec, aujourd’hui le Musée national des Beaux-arts du Québec, est déposée à la Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Québec, Fonds ministère de la Culture et des Communications, Office du film du Québec, Documents iconographiques, cote : E6, S7, SS1, P28674.

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