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Plaidoyer pour un plus grand respect du cultivateur

jeune en train de faucherCelui qui signe P. Bouvier a demandé à l’hebdomadaire Le Bulletin un peu d’espace pour souhaiter que nous ayons une plus grande considération pour le cultivateur. Le journal montréalais publie son propos le 29 juillet 1906.

Nous lisons souvent que, dans les provinces du Nord-Ouest Canadien et dans les États de l’Ouest Américain, l’égalité sociale existe réellement entre citadins et campagnards. De toutes les merveilles que l’on nous rapporte de là-bas, voilà celle qui mérite le plus notre admiration.

Il est intéressant de comparer cet État de choses avec celui qui existe en Europe et chez nous, dans les provinces de l’Est.

Les États-Unis et l’Ouest Canadien sont peut-être les seuls pays qui aient vu disparaître entièrement le préjugé qui a régné pendant des siècles et qui règne encore d’une manière intense dans certains pays contre l’état de cultivateur. Dans les langues de l’Europe, les mots familiers qui désignent le cultivateur, «bauer» en allemand, «boer» en hollandais, «tsaran» en roumain, «paysan» en France, sont presque des termes de mépris.

Il n’y a presque plus rien de cela aux États-Unis. L’Américain peut dire avec orgueil qu’il, est cultivateur, «farmer», et être aussi fier de son état qu’un homme de métier ou de profession. […]

Au Canada, il nous reste un peu de vieux préjugés. Nos grands bourgeois des villes et des villages contribuent à le faire vivre. Nous sommes cependant plus avancés que l’Europe.

Chez les Canadiens-français, le mot paysan n’est pas employé; nous avons celui d’habitant qui est encore regardé de travers en certaine société.

Mais le préjugé a déjà de larges blessures. Pendant la saison des vacances, qui est celle des récoltes, on voit nos étudiants conduire bravement des faucheuses, travailler aux récoltes, acquérir de la vigueur par cet exercice pour l’année scolaire suivante.

En Europe, il semble qu’un collégien ou un universitaire se croirait déshonoré s’il maniait une pelle ou une bêche, ou transportait une brouette de légumes.

La justice demanderait que le cultivateur fut le premier homme de son pays. Comment donner conscience de leur valeur à nos habitants, comment leur inspirer l’orgueil de leur condition ? Il suffit peut-être, mais il faut deux choses : les instruire et rendre l’agriculture aussi payante que n’importe quelle autre industrie ou profession. Notre agriculture a des marchés excellents; il faut maintenant chercher les moyens d’augmenter sa production. Des congrès comme celui des missionnaires agricoles, tenu à Oka, il y a quelques jours, sont bien propres à faire avancer la cause.

Les missionnaires agricoles devraient être mieux secondés par nos journalistes. Nous, dont les bras débiles ont déserté la terre, nous devrions au moins faire travailler nos cerveaux aux champs.

P. Bouvier.

 

L’illustration provient de la famille Abraham dans le canton de Mulgrave, de la région de l’Outaouais. Elle est déposée à la Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Gatineau, Fonds Dora Banks-Abraham, Documents photographiques, cote : P132, S1, D38.

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