Retour du cirque Forepaugh
Le cirque Forepaugh est très aimé à Montréal. À l’occasion, depuis au moins 1884, il s’amène dans la métropole. Et le revoici en 1907. Les Montréalais l’aiment, car jamais, contrairement à certains autres cirques américains, il n’a offert moins que ce qu’il annonçait. Et, cette fois-ci encore, le succès se répète.
Montréal a battu hier tous les records en donnant une assistance de 28,000 spectateurs aux deux représentations du cirque Forepaugh-Sells. C’était le nombre maximum que les vastes tentes pouvaient contenir; on a même refusé à chacune des deux représentations l’admission à un grand nombre de personnes.
Avant la journée d’hier, c’était la ville de Newark, N. J., qui détenait le record de l’assistance au cirque. Il faut attribuer cette affluence des Montréalais au spectacle, qui n’avait pas le mérite de la nouveauté pour la plupart d’entre eux, à la température idéale qu’il faisait, au congé et à l’absence d’autres attractions en matière d’amusements sauf nos parcs.
Fait intéressant, la compagnie de tramways a transporté à deux reprises cette foule de 14,000 personnes sans encombre, sans la moindre anicroche.
Dès la sortie, chacun des spectateurs trouvait un tramway prêt à le recevoir et à se mettre en marche. M. Gaboury, surintendant de la compagnie, surveillait en personne le service de tramways, et il mérite des félicitations.
La parade qui a été faite dans les rues de la ville, hier matin, ne rendait pas justice à l’immense organisation qu’est le cirque Forepaugh-Sells. La ménagerie est une des plus complètes et des plus intéressantes qui ait jamais visité Montréal et le programme du spectacle renferme plusieurs numéros inédits et de grand mérite.
Le «saut de la mort», un tour merveilleux d’équilibre accompli par une femme dans une automobile, est si terrifiant que beaucoup de spectateurs et surtout de spectatrices ferment les yeux, comme saisis de vertige.
L’événement de la représentation est sans contredit l’incendie de la ville. Comme décor, machinerie, perfection et mouvement, c’est magique. Nous voyons toute une ville avec son personnel affairé, ses promeneurs, ses différents types, ses magasins, ses bureaux, ses monuments. Il y a des centaines de personnes en scène et tout le monde défile réellement devant nous, tandis que le décor se déroule aussi.
Le tocsin se fait entendre. La scène change; elle devient sinistre. Une lueur rougeâtre s’allume; il vente et il pleut. Les pompiers arrivent à bride tendue, la foule se précipite, l’élément destructeur se propage. On voit alors les braves pompiers à l’œuvre, combattant les flammes, lançant des torrents d’eau, accomplissant des sauvetages héroïques. C’est terriblement réaliste et beau, et il a fallu une grande ingéniosité et une préparation très longue pour mettre au point un spectacle aussi compliqué.
Les acrobates accomplissent des tours véritablement vertigineux; à remarquer surtout les 40 différents bouffons dont quelques-uns sont d’une force extraordinaire. Les phoques savants, les éléphants danseurs et comédiens : tout cela est très amusant. Nous avons admiré les superbes chevaux; il y en a des quantités et de très beaux, qui accomplissent des prouesses merveilleuses. Félicitons aussi leurs cavaliers et leurs amazones.
Il y aura une autre représentation cet après-midi, et ce soir, dernière représentation.
La Patrie (Montréal), 2 juillet 1907.
L’illustration d’une publicité du cirque Forepaugh-Sells apparaît sur la page Wikipédia consacrée à Adam John Forepaugh (1831-1890).
Contribution à une histoire du cirque au Québec.
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