Connaissez-vous John Keats ?
Considéré comme l’un des poètes romantiques anglais les plus importants de sa génération, Keats (1795-1821) meurt de tuberculose à l’âge de 25 ans. Sa vie poétique se résume à cinq années à peine. Mais quelle vie !
Extrait du livre 1 d’Endymion, voici Tout objet de beauté est une joie éternelle.
Tout objet de beauté est une joie éternelle :
Le charme en croît sans cesse; jamais
Il ne glissera dans le néant, mais il gardera toujours
Pour nous une paisible retraite, un sommeil
Habité de doux songes, plein de santé, et qui paisiblement respire.
Aussi chaque matin, tressons-nous
Des guirlandes de fleurs pour mieux nous lier à la terre,
Malgré les désespoirs et la cruelle disette
De nobles natures, malgré les sombres journées
Et tous les sentiers malsains et enténébrés
Ouverts à notre quête; oui, malgré tout cela,
Une forme de beauté écarte le suaire
De nos âmes endeuillées. Tels sont le soleil, la lune,
Les arbres vieux ou jeunes qui offrent le bienfait de leur printaniers ombrages
Aux humbles brebis; tels sont encore les narcisses
Et le monde verdoyant où ils se logent, les ruisseaux limpides
Qui se bâtissent un frais couvert
En vue de l’ardente saison, le taillis au fond des bois,
Richement parsemé de la splendeur des roses musquées;
Telle, aussi, la magnificence des hautes destinées
Que nous avons rêvées pour les plus grands des morts;
Tels, encore, tous les contes charmants lus ou entendus,
Fontaine intarissable d’un breuvage immortel
Qui s’épanche en nos cœurs du bord même des cieux.
Et ce n’est pas seulement pendant une heure brève
Que nous pénètrent ces essences; non, comme les arbres
Qui chuchotent autour du temple lui-même; ainsi, la lune,
La poésie — cette passion — merveilles infinies,
Nous hantent jusqu’à devenir le réconfortant flambeau
De nos âmes et s’attacher à nous d’un lien si étroit
Que, dans le plein soleil comme sous un ciel couvert et sombre,
Il nous les faut toujours à nos côtés, ou c’est la mort.
Extrait de John Keats, Poèmes choisis (Aubier-Flammarion, 1968), traduction, préface et notes par Albert Laffay.
Merci, cher Jean,
quelle beauté!!!
Merci beaucoup, chère Melinda.
Je suis dans l’admiration complète devant ces auteurs qui arrivent à «traduire» une poésie; c’est pour moi une œuvre en soi. Comment font-ils?
Il y a 10 ans, je me suis procuré dans la Pléiade «Anthologie bilingue de la poésie anglaise». Un monument de beauté. Ces traducteurs, puisqu’ils faut les nommer ainsi, possèdent du génie, vraiment.
Merci encore cher Jean.
Vous avez tant raison, chère Silvana. Nous n’avons pas idée de l’importance des traducteurs. Tout le salut d’un texte autre que dans sa langue originale repose sur les traducteurs. Je possède deux ouvrages de la grande Emily Dickinson qui vécut en Nouvelle-Angleterre, des textes de cette dame très sentis, très liés à son milieu quotidien, elle qui n’a pas beaucoup voyagé. Les traductions étant françaises sont malheureusement ratées, les traducteurs ne connaissant à peu près pas le milieu physique de la Nouvelle-Angleterre, ses forêts, ses bêtes, son climat, ses saisons, etc. Dans le cas de cette grande poétesse américaine, c’est une Québécoise ou un Québécois qui arriverait à nous offrir une grande traduction.