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Où en est donc la Louisiane en 1903 ?

zachary richard

L’article provient du journal louisianais La Guêpe, de Nouvelle–Orléans. La Patrie (Montréal) du 4 juin 1903 le reproduit.

L’histoire des premiers habitants de la Louisiane et de leurs descendants est des plus simples, point n’est besoin d’amplification. Il suffit pour l’écrire aujourd’hui de glaner au fond des sillons déjà parcourus.

Des voyageurs canadiens, des coureurs de bois peuplèrent tout d’abord les bords du Mississippi.

Les Acadiens vinrent plus tard renforcer cette petite armée de colons augmentée bientôt de quelques Français que le roi Louis XV envoya en Louisiane, à la tête d’une charmante cohorte de jeunes et jolies parisiennes. Tels sont les commencements de cette colonie que les créoles ont marqué depuis lors du cachet indélébile de leur personne.

La Louisiane, malgré sa cession à l’Espagne en 1776, resta malgré tout et contre tous française de cœur et d’aspiration et continua comme par le passé à parler avec la plus grande pureté l’idiome de [Jean-Baptiste Le Moyne de] Bienville, le fondateur de la Louisiane.

Cédée en 1803 au gouvernement de Washington, rien ne fut changé dans les habitudes de ses enfants. Jusqu’en 1860, époque de la guerre de sécession, les créoles continuèrent à envoyer leurs fils et leurs filles en France pour être élevés dans les meilleurs collèges de la capitale.

La Nouvelle-Orléans, bien différente de ce qu’elle est de nos jours, présentait alors un aspect tout parisien — les plus humbles comme les plus riches de cette communauté florissante se faisaient un point d’honneur de parler le français avec pureté.

Quant à ce qui est des temps présents, si les créoles parlent en ce moment l’anglais, ce n’est point qu’ils aient oublié l’idiome de leurs ancêtres. Non, bien loin de là, la langue française défend de nos jours son terrain pied à pied, conserve avec orgueil ses titres de noblesse, garde son identité avec amour et respect.

S’il est vrai de dire que depuis la guerre de sécession l’atmosphère a été pour les créoles louisianais pleine d’une poésie de douleurs, de regrets et d’espérances déçues, nous pouvons dire sans nous tromper que des signes précurseurs de rénovation se manifestent de toutes parts.

L’ère de reconstruction est proche, la pensée du peuple créole est incapable de s’abîmer plus longtemps dans un précipice d’incertitudes morales et physiques.

Nous prévoyons que bientôt, ce temps n’est pas éloigné, l’idiome français s’imposera comme au temps jadis, aux petits comme aux grands de la Louisiane, de cette Louisiane qui a retenu, malgré tous les malheurs qui ont fondu sur elle, l’expression mobile du caractère de ses premiers habitants.

 

La photographie du poète et chanteur louisianais Zachary Richard provient du site Les chroniques de Mandor.

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