Il arrive parfois des méconnaissances entre la France et le Québec

Venues de la langue, par exemple. En voici une que raconte Raoul Renault dans Le Monde illustré du 1^er juin 1889.

Il y a plusieurs années, les journaux de Québec donnaient un magnifique compte-rendu d’une grande procession à la raquette, qui avait eu lieu dans la vieille cité de Champlain.

Un journal de Paris, voyant cette nouvelle annoncée à grand renfort de titres et de sous-titres, se crut dans l’obligation d’en dire un mot. Mais, comme les raquettes ne sont pas connues à Paris, le naïf chroniqueur de cette feuille parisienne, pensant qu’il y avait une faute typographique dans le mot raquette, la corrigea et rédigea son fait divers à peu près en ces termes :

Un grand nombre de citoyens de la ville de Québec (Canada) ont fait une marche en jaquette le jour de la Saint-Valentin.

Retraçons un peu la scène.

Par un froid sibérien comme on en a souvent vers la mi-février au Canada, imaginez-vous voir défiler, vêtus d’une belle jaquette blanche brodée, une centaine de jeunes Canadiens et Canadiennes, amis du sport.

Regardez-les s’acheminer, poussés par une rage de Nord-Est [le vent de tempête en hiver]. La bise leur fouette les jambes et fait flotter en tous sens leur léger vêtement. De temps à autre, l’un d’eux pique une tête dans la neige et….

Brrr ! brrr! C’est froid….

On a beau avoir le sang chaud, une marche en jaquette le 14 février n’est pas possible, même avec des souliers mous et des mitaines de loup-marin.

Je dirai sans crainte que si ce Parisien eût connu la rigueur de nos hivers canadiens, il se serait abstenu de faire promener en jaquette, au mois de février, ses cousins germains du Canada.

Rien qu’à y penser, j’ai l’onglée….

Des entrefilets de ce genre sont de nature à faire croire à nos frères d’outre-mer que les Canadiens sont comme les habitants des Îles Océaniques, qu’ils n’ont qu’une peau de rossignol pour cacher leur nudité.

Ami français, cet homme est chaussé de raquettes. Mais il ne va pas en jaquette. La raquette, apprise des Amérindiens, est un instrument fixé aux chaussures pour marcher dans la neige.