Éloge de la grand-mère
Dans La Patrie du 5 mai 1902, le chroniqueure Madeleine [de son vrai nom Anne-Marie Gleason] consacre son propos à l’aïeule. Extraits.
La grand-mère se fait l’ange-gardien du berceau, elle épie le premier regard de bébé, tressaille à son premier pleur, répond à son premier rire, soutient son premier pas, recueille son premier mot, et quand il dit «Grand’mé», elle verse ses douces larmes.
Elle passe de longues heures avec Bébé, le berce, en lui disant d’une voix chevrotante des berceuses qui, jadis, ont endormi papa ou maman, berceuses dont les mots remontent à ses lèvres, sans efforts; elle apprend des contes pour les lui dire, car ceux retenus de son enfance ne sont pas assez nombreux, et Bébé adore les contes, il est insatiable, répétant toujours «encore un, encore un, grand’maman !»
Et la chère vieille, au bout du répertoire, fait voyager son imagination à travers les pays fantastiques, et improvise, avec un succès, ponctué par les applaudissements de Bébé. Tous deux s’embrassent, aux moments pathétiques, et quand grand’mère parle du «loup et du chaperon rouge», Bébé s’enfonce dans ses bras en disant d’un ton apeuré : «Il ne viendra pas, hein, Mémère, le méchant loup ?»
Et l’aïeule de resserrer son étreinte pour apaiser le chéri.