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Les Bohémiens, gens du voyage

jeune bohemien serbe charles landelleIl y a Bohème et Bohème. Au 19e siècle, le terme Bohème ne désigne pas seulement le monde des gens de lettres et des artistes qui déambulent à Paris, attendant la fortune et la renommée. Dans un article non signé, le quotidien sorelois Le Sud, du 2 mai 1889, rappelle qu’on utilise aussi le mot pour désigner l’univers des gens du voyage.

Le nom de Bohémiens est le nom qu’on donne en France à un peuple nomade qui parut en Europe dans le XVe siècle, et qui se répandit d’abord en Moldavie, en Valachie, en Hongrie et en Bohème, puis dans le reste de l’Europe.

Les Bohémiens sont nommés Heidren (idolâtres) en Hollande, Tartares en Suède et en Danemark, Pharaonites en Hongrie, Tchiganes en Turquie et en Valachie, Gypsies en Angleterre, Tingari en Italie, Tijeuner en Allemagne, Gitanos en Espagne. Ils se nomment eux-mêmes Rômichal et Tincali.

Ils appartiennent tous à une même race que l’on croit originaire de l’Inde. Les ancêtres des Bohémiens, qui faisaient, dit-on, partie de la caste avilie des Soudras, quittèrent leur patrie lors de l’invasion des mongols de Tamerlan, en 1398, pour échapper à l’affreuse servitude qui pesait sur eux. Quelques écrivains versés dans la cabale, entre autres Vaillant (de Bucharest), voient en eux les descendants des mages de la Perse, et les regardent comme les dépositaires des premières traditions de l’humanité et des sciences occultes.

Émigrés d’une société qui les considérait comme les derniers de l’humanité, élevés dans l’idée qu’ils souillaient tout ce qu’ils approchaient, les Soudras Bohémiens n’osèrent se mêler aux peuples européens, ni tenter de se créer une nouvelle patrie par la force, et restèrent vagabonds, n’inspirant que de l’effroi, du dégoût, jamais de l’intérêt, rarement de la pitié.

Ils campaient la nuit dans les bois, se répandaient le jour dans les campagnes, pénétraient quelquefois dans les villes, ne demandant des moyens d’existence qu’à la maraude, à la mendicité, ou à une science divinatoire qu’ils disaient posséder, et qui se basait sur de prétendus calculs astronomiques combinés avec les lignes de la main.

Leur figure basanée, leurs cheveux noirs et luisants, leur taille petite et grêle, leur agilité à la course, leurs mœurs sauvages, la bizarrerie de leurs costumes, leur langage inintelligible, tout se réunissait en eux pour les faire distinguer des peuples au milieu desquels ils vivaient errants.

Ils furent souvent victimes de la superstition; on les emprisonna, on les pendit, on les brûla, selon les besoins de l’opinion publique et de l’inquisition.

Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, l’histoire des législations de l’Europe est remplie de lois, d’ordonnances, de règlements dont les Bohémiens sont l’objet. En 1860, sous Charles IX, les États d’Orléans et de Navarre les expulsèrent par édit de la France, où ils continuèrent cependant à errer. En se livrant à quelque industrie utile, un grand nombre de Bohémiens sont parvenus à s’établir de manière permanente parmi les divers peuples de l’Europe; ceux-là se sont réhabilités par le travail.

En Turquie, en Hongrie, dans les pays valaques, ils exercent le métier de forgeron ou celui de chaudronnier; les peuples de ces contrées croient qu’ils sont condamnés à ces travaux parce que leurs ancêtres forgèrent les clous avec lesquels fut crucifié Jésus.

Cette tradition de l’Europe Orientale est une des fables ridicules et odieuses à l’aide desquelles on excita si souvent la rage du fanatisme contre les infortunés Bohémiens. En Espagne, les Bohémiens vivent dans les montagnes; beaucoup d’entre eux cependant sont établis dans les villes; à Cordoue et à Séville, ils habitent des quartiers particuliers.

En Angleterre, ils sont maquignons, maréchaux forains, contrebandiers et voleurs; ils reconnaissent l’autorité d’une femme de leur race, à laquelle ils donnent le titre de reine.

 

L’image du jeune Bohémien serbe, de Charles Landelle (1821-1908), propriété du Musée des beaux-arts de Nantes, provient de ce site.

2 commentaires Publier un commentaire
  1. silvana #

    Comme cet article est intéressant et me rappelle des souvenirs. Mon père, italien et violoniste à Milan a cependant vécu les 20 premières années de sa vie à Bucarest en Roumanie. Il y a appris et développé son jeu et une interprétation unique qu’il disait avoir acquise auprès des Romanichels… C’était un jeu d’une sensibilité exquise probablement un peu surannée dirait-on aujourd’hui.

    19 mai 2015
  2. Jean Provencher #

    Ô merci beaucoup de votre témoignage, chère Silvana, qui humanise davantage le propos de ce billet.

    19 mai 2015

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