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Montréal, une ville cosmopolite

procession italienne montrealAvec son augmentation constante, la ville de Montréal prend tous les jours la caractéristique des grandes métropoles de l’univers, titre le quotidien La Patrie du 19 janvier 1907. Un certain portrait de Montréal voilà un peu plus de cent ans.

Lorsque Paul de Chomedey, sieur de Maisonneuve, groupa au pied du Mont-Royal, dans une trouée de la forêt, l’établissement qui prit d’abord le nom de Ville-Marie pour devenir Montréal, certes ! il ne se doutait pas du magnifique avenir réservé par le Destin à sa fondation.

Montréal n’a pas eu la vertigineuse croissance de Chicago, de New-York et de quelques autres villes américaines; mais n’est-ce pas phénoménal que quelques-uns de ces arpents de neige raillés par Voltaire aient acquis en 265 années une population de 400,000 habitants !

L’excès des naissances sur les décès ne pouvait, comme de juste, produire semblable miracle. Il a fallu que le flot se précipitât de partout vers cet endroit privilégié. La province de Québec a fourni le plus formidable contingent; mais toutes les parties du monde se sont aussi associées pour fournir leur quote-part, si bien qu’avec son augmentation constante, la ville de Montréal prend tous les jours la caractéristique des grandes métropoles de l’univers : LE COSMOPOLITISME.

Les diverses nationalités : chinoise, syrienne, russe, polonaise, juive, italienne, autrichienne et même… turque s’y mêlent sans se fusionner.

Circonstance particulièrement heureuse; car si le contraire se produisait, notre cité perdrait beaucoup de son pittoresque.

C’est [ici, mot illisible dans la version numérique du journal] pendant les mois de l’été, aux ardeurs du grand soleil chauffant et rougeoyant, là-haut comme une forge, qu’il fait plaisir de voir grouiller dans les rues ces foules hétérogènes et cosmopolites.

Parmi ces gens bigarrés, c’est surtout l’élément féminin qui détonne, grâce à ses bizarres accoutrements. Or, l’hiver canadien a bientôt fait de rendre presque uniformes les modes de s’habiller, en ce qui concerne les couleurs au moins, plus sombres, car il est évident que la femme du quartier syrien ne porte pas d’aussi soyeuses fourrures que l’altière lady de la partie Ouest.

Le plus célèbre quartier cosmopolite de Montréal est encore Chinatown. L’infime majorité de nos Fils du Ciel y demeure. Là est cependant leur lieu de réunion.

Les Juifs ont fait leurs la rue Craig et une partie du boulevard Saint-Laurent. Cette colonie étrangère est peut-être, à l’heure actuelle, la plus nombreuse et la plus riche de la métropole.

Il y a aussi les Italiens qui comptent chez nous pour plusieurs milliers, la plupart fervents du pic et de la pelle, mais aussi bien amoureux du stylet.

Enfin, vient le Syrien à la barbe de geai, le Russe au crin blond ou de neige, le Turc, autrefois commun, aujourd’hui rare, le Grec, l’Autrichien, l’Égyptien, le Nègre, etc., etc., en attendant le Japonais, que le Pacifique Canadien aurait justement l’intention d’importer au pays pour le faire servir dans ses wagons-réfectoires.

Les transatlantiques, les chemins de fer vont continuer de verser parmi nous ces hommes parlant un autre idiome que le nôtre, ayant des coutumes autres que les nôtres, mais qui en nous demeurant un tantinet étranger [ici, quelques mots illisibles].

La ville de Montréal perdrait beaucoup de son aspect de ville mondiale si elle était entièrement habitée par des Canadiens-français et des Canadiens-anglais. Elle perdrait énormément aussi de son pittoresque; ce qui serait dommage à la vérité. La barbe d’ébène d’un fils d’Israël, en jetant une note particulière dans la rue Craig, donne à cette artère une vie nouvelle.

Les petits hommes jaunes aux yeux bridés disparaissant à la fois de Chinatown laisseraient croire qu’un vent de désastre est passé sur ce quartier.

Et puis, n’est-ce pas que les moustaches naïves retroussées en crocs de nos Italiens, barrant des figures bonnes aux yeux étincelants, font un peu songer, pendant l’hiver, au beau soleil d’Italie, au ciel de Naples et même au golfe, auprès duquel, paraît-il, notre port n’est qu’un marais infect ?

 

L’illustration d’une procession religieuse italienne à Montréal est parue dans L’Album universel du 2 septembre 1905. On la retrouve sur le site de la Bibliothèque et Archives nationales du Québec au descripteur «Processions».

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