Grave inondation à Montréal
Le dimanche 10 janvier 1886, les glaces s’accumulant devant la ville, l’eau du Saint-Laurent commence à sortir. Le quotidien du lendemain, La Minerve, écrit que, «de 10 heures à 5 heures de l’après-midi, le niveau de l’eau s’est élevé de 4 pieds [plus d’un mètre] et toute la Pointe Saint-Charles, le Griffintown et la rue des Commissaires furent inondés».
Et l’événement se poursuit. Le mardi, 12 janvier, La Minerve écrit que «tous les restaurants et buvettes de la rue des Commissaires sont inondés; la buvette de Joe Beef est envahie par l’eau à une profondeur de deux pieds».
«Dans le Griffintown, à l’ouest de la rue McGill, la crue des eaux a fait beaucoup de dommages. De la rue William jusqu’aux bords du canal, les rues sont submergées, la circulation est impossible et un grand nombre de logements sont inondés. Les habitants de plusieurs résidences ont été forcés d’aller chercher refuge au second étage. Le trafic est complètement arrêté dans les rues. La glace s’enfonce sous le pied des chevaux et la plupart des manufactures sont arrêtées.»
Le mercredi 13 janvier, toujours à la une, La Minerve affirme que jamais, depuis 40 ans, on a vu le niveau de l’eau aussi élevé. «La misère est affreuse dans les quartiers inondés. Dans plusieurs maisons, on pouvait voir hier soir de malheureuses femmes enveloppées de châles, tenant leurs enfants dans leurs bras, assises sur des tables et semblant atterrées de désespoir. Les provisions d’hiver conservées dans les caves sont en grande partie détruites. […] L’eau a envahi certaines écuries et étables d’une manière si inattendue que plusieurs chevaux et vaches sont morts de froid.»
Et l’information circule dans l’ensemble du Québec. Le 14 janvier, Le Journal de Waterloo écrit : «Les désastres sont considérables et les souffrances des malheureux habitants forcés de demeurer dans leurs maisons à moitié remplies d’eau et de glace ou de déménager par le froid extrême des jours derniers, sont indicibles.»
Dans Le Monde illustré du 16 janvier, le chroniqueur Léon Ledieu y va d’un appel.
L’hiver est une saison terrible, mais songez donc à ce qu’il doit entraîner de souffrances quand par surcroît de misère l’inondation devient son associé, son complice, pour mieux atteindre le pauvre.
Il y a huit jours à peu près, les glaces, s’amoncelant en face de Montréal, formèrent une digue et refoulèrent les eaux du fleuve qui, cherchant une issue, se sont répandues dans tout un quartier, le Griffintown, qui fut inondé.
En quelques heures, la plupart des caves furent envahies, et le niveau du fleuve continuant à s’élever, l’eau arriva au rez-de-chaussée des maisons.
Comme journaliste, je dois aller partout, et j’ai été voir les ravages de l’inondation.
Que vous dirais-je ? C’est la misère à toutes les portes, c’est le froid dans toutes les maisons, c’est la fabrique arrêtée et partant, plus de pain.
Si vous êtes bon, si vous avez du cœur, venez en aide à ces malheureux et songez qu’il y a plus de quatre mille ouvriers sans travail.
L’inondation se retirera, laissant souffrances et dégâts. Mais elle reviendra quelques semaines plus tard, en avril. Voyez l’image ci-haut qu’on trouve sur le site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Elle fut publiée déjà dans le Witness du 5 avril 1913.