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Faut-il croire à la sincérité du monde lors des visites du jour de l’An ?

les visites du jour de lan

Dans l’hebdomadaire montréalais Le Monde illustré du 10 janvier 1885, le chroniqueur Léon Ledieu en doute fortement. D’abord, il en sort épuisé.

Huit jours durant, boire, manger, parler… Huit jours durant, dire du matin au soir : «Je vous la souhaite bonne et heureuse…»

Je lui serre la main, il me la serre, nous nous la serrons, vous vous… […]

Partout où je suis allé depuis huit jours, j’ai entendu sonner de la trompette, battre du tambour, jouer de la flûte, toucher du piano, le tout accompagné de cris de poupées, de hurlements de bêtes mécaniques, etc., etc.

Ces jolis enfants, on les trouve charmants, pleins d’esprit, bien qu’un peu bruyants, pendant les trois premières visites; à la quatrième, on trouve que c’est monotone; à la cinquième, c’est toujours la même chose, et, quand on arrive à la demi-douzaine, c’est un ahurissement complet qui s’empare de vous.

Je parle ainsi des visites intimes, chez les amis qui se font une joie de vous prouver les progrès que la fillette, qui est revenue du couvent, en vacances, a faits sur le piano depuis l’année dernière. On fait aussi venir le garçon, qui débite une fable, et le plus jeune qui ânonne un compliment. […]

 

Mais il y a plus. Ledieu poursuit :

Quelle mouche vous pique, me direz-vous, il y a huit jours vous chantiez sur un autre ton : tout était rose, tout était gai au jour de l’An, et vous parliez même des visites d’une manière tout opposée à celle que vous semblez adopter aujourd’hui !

Ah ! si ce n’était pas entre nous, je ne vous donnerais pas le parceque de votre pourquoi, mais nous nous parlons au coin du feu, donc…… Honni soit qui mal y pense !

Pourquoi je suis de mauvaise humeur aujourd’hui à propos des visites du jour de l’An ?

Parce que des gens qui voudraient me voir pendre haut et court m’ont serré la main en me souhaitant une bonne année suivie de beaucoup d’autres.

Parce que j’ai vu des débiteurs souhaiter longue vie à leurs créanciers.

Parce que j’ai été témoin de baisers menteurs échangés entre brus et belles-mères.

Parce que, devant moi, des ennemis mortels, qui cherchent à se déshonorer publiquement, se sont donnés une poignée de mains en ayant envie de se mordre.

Parce que je sais que des neveux sont allés dire à des oncles à héritages qu’ils voudraient les voir atteindre l’âge de Mathusalem.

Parce que… parce qu’il n’y a pas dans l’année une journée où l’on fait autant de mensonges et joué autant de comédies que le premier janvier.

Je pourrais bien en dire plus long, le sujet est vaste, mais il a été tant de fois traité que je m’arrête bien vite, sachant bien que vous le connaissez à fond et que vous êtes de mon avis.

 

La gravure ayant pour thème «Les visites du jour de l’An» est parue dans L’Opinion publique (Montréal) du 9 janvier 1873. On la retrouve sur le site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec au descripteur «Visites».

3 commentaires Publier un commentaire
  1. Esther #

    Si vous me permettez… Je relis ce soir ce texte et me vient en tête un étrange parallèle avec ce qui se déroulait hier à Paris…

    12 janvier 2015
  2. Jean Provencher #

    Je ne comprends pas ce que vous dites. Vous trouvez qu’hier, à Paris, il n’y avait pas de sincérité. Personnellement, ce n’est vraiment pas ce que j’ai trouvé. Et pour avoir l’heure vraiment juste, il fallait, comme le disait Joël Le Bigot, que nous prenions notre information à TV5 et non dans les médias d’ici, qui sont bien loin de ce que vit la France en ce moment. Et, à distance, cet événement ne se résume pas en quelques formules, souvent toutes faites et si bien échappées soient-elles.

    12 janvier 2015
  3. Esther #

    Loin de moi l’idée de démarrer un débat sur le sujet… Croyez-moi. J’ai apprécié commw vous de voir tous ces gens, de toutes origines, de toutes confessions et allégeances politiques, descendre dans la rue, TOUS ensemble. Mais après ? Chacun retourne à ses fourneaux et maugrée contre le voisin, parce que différent ? C’était là l’idée de mon propos…

    13 janvier 2015

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