Jouer d’audace
La Gazette de Joliette du 21 novembre 1882 rapporte cette histoire sous le titre «Les débuts d’un chansonnier célèbre».
Le jeune poète venait d’arriver à Paris, et la grande ville, au lieu de la gloire qu’il en espérait, ne lui offrait que déboires et déceptions.
Un jour, à bout de ressources, le jeune homme se risque, à tout hasard, à frapper à la porte de Victor Hugo.
On ouvre. Une bonne lui dit d’un ton un peu bourru que «monsieur» était sorti depuis la veille.
Mais le jeune postulant paye d’audace et, sortant une carte de son carnet :
— Faites passer à M. Hugo, dit-il à la bonne.
Voici ce qu’il avait écrit sur sa carte de visite :
À VICTOR HUGO
Si tu voyais une anémone,
Languissante et près de périr,
Te demander comme une aumône,
Une goutte d’eau pour fleurir,
Si tu voyais une hirondelle,
Un jour d’hiver te supplier,
À ta vitre battre de l’aile,
Demander place à ton foyer,
L’hirondelle aurait sa retraite,
L’anémone sa goutte d’eau,
Pour toi que je suis-je, ô poète
Ou l’humble fleur, ou l’humble oiseau.
À peine Victor Hugo eut-il lu cette carte :
— Où est-il, dit-il, celui qui vous l’a remise ? Courez après lui, et ramenez-le.
Le jeune auteur, introduit auprès du maître, allait se confondre en remerciements, lorsque celui-ci lui dit avec son bienveillant sourire :
— Vous êtes des nôtres et vous pouvez me regarder comme un frère aîné.
Une semaine après, Hugo écrivait à son protégé pour lui annoncer qu’il lui avait trouvé un emploi de rédacteur surveillant, chargé de revoir les épreuves au Dictionnaire de l’Académie française.
L’illustration provient de la page Wikipédia consacrée au Dictionnaire de l’Académie française.