Le montreur de curiosités
Il y a plus de cent ans, dans une ville comme Montréal, le citoyen se voyait proposer toutes sortes de sollicitations, souvent disparues aujourd’hui. Le 12 octobre 1883, La Patrie signale la présence d’un «montreur de curiosités».
Depuis quelques jours, un imprésario annonçait rue Craig, No 518, avec force boniments, un spectacle rare, incroyable et sans rival.
Moyennant la somme de dix cents, on devait voir l’être mythologique, vivant et parlant, moitié femme, moitié poisson, la sirène. On devait contempler les traits de Guiteau, l’assassin de [James Abram] Garfield [président des États-Unis], la baleine polaire et autres raretés de toutes sortes.
Et la foule de se précipiter et de verser les dix cents demandés.
Au dedans, rien ou à peu près.
La sirène était tout simplement un petit poisson ordinaire de douze pouces [30 centimètres] à qui on avait prêté pour l’occasion le nom de femme-poisson.
Hier soir, la foule, peu disposée à apprécier le jeu de mots, a failli faire un mauvais parti au montreur de curiosités, qui s’est empressé, dès les premières manifestations de mécontentement, de faire évacuer son théâtre.
Les mécontents toutefois ne voulurent pas se retirer sans laisser un souvenir de leur visite au blagueur et ils mirent en pièces portes et fenêtres.
La police fut appelée et rétablit l’ordre, sans faire d’arrestations.
Il est probable que l’imposteur pliera bagage aujourd’hui; c’est le mieux qu’il a à faire sans doute.
La photographie ci-haut est de Daniel Clauzier, Franco-Ontarien originaire de Sudbury qui vit et travaille à Poitiers, en France. Il s’agit bien sûr d’une sirène, qu’on retrouve sur le relief du portail nord de la collégiale Saint-Martin de Candes-Saint-Martin, en Indre-et-Loire (XIIIe siècle), en France. Elle apparaît sur la page Wikipédia consacrée à la sirène (mythologie).