Skip to content

«Langage des Acadiens du Labrador»

NatashquanBien étrange, à plus d’un point de vue, cet article de La Gazette de Joliette du 5 septembre 1889. Proposition de ce qu’il est tel quel. Auparavant, il faut dire qu’il y a plus d’une centaine d’années, il est fort rare qu’on utilise l’expression de «Côte Nord»; on parle bien davantage de «Côte du Labrador». Il faut donc comprendre qu’ici, on parle des Acadiens de la Côte Nord.

Généralement, les Acadiens de la Côte du Labrador ont le verbe très haut. On les croirait toujours en colère, lorsque pourtant ils sont très doux et du meilleur cœur possible. Cette habitude vient probablement de ce qu’ils vivent au bord d’une mer toujours mugissante, ou sur leurs vaisseaux; les marins parlent toujours à haute voix lorsqu’ils sont en mer, soit pour donner des commandements ou y répondre, soit pour dominer le vent ou le bruit des vagues.

Sauf un certain nombre d’expressions qui nous surprennent de prime abord, ils parlent un français fort passable. Nous donnons ici quelques-unes de ces expressions étranges cueillies à la volée.

Monpa pour papa. Un chevau pour un cheval. Des chevals pour des chevaux. Magniasse pour génisse. Bof pour bœuf. Bochure pour clôture. Raing pour établissement de pêche. Voiture pour embarcation. Encoingnure pour armoire du coin. Chat-lit pour bois de lit. Couche pour drapeau. Faire le fricot pour boulanger. La mette pour la huche. Sezain pour dessus de soulier. Pas manque pour beaucoup.

Squelette pour Lkye light [sic]. Bricolles pour bretelles. Naskapis pour amers en tas de pierres sur le haut des mornes. Cancer pour concert. Le quiais pour le quai. Quart d’étude pour cours d’étude. S’émoigner pour s’informer. Excommunier pour commuer sa peine. Se lever de hauteur pour se lever tard. Jigoine pour jarnigoine. Vent pour vin. Cayes pour écueils. Saignées d’eau pour coupes dans la glace.

Les marins vous disent : le vent se fait; le qent hâle de terre; nous ailons faire les fonds pour sondes ou jeter l’ancre; la mer aplanchit; l’eau faot portage jusqu’au rocher, etc., etc.

La première fois que je m’assis à la table chez l’un des hommes les plus importants de la côte, je ne pus m’empêcher de sursauter en entendant la maîtresse de céans me poser cette question : «Vais-je vous pisser du café ou du thé ?»

Mais au bout de huit jours, je me familiarisai au point qu’il m’échappa plus d’une fois d’employer leurs expressions, pas la dernière bien entendu.

 

Ci-haut, une photographie de Natashquan prise par J. Cournoyer en 1948. Elle est déposée à la Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Québec, Fonds ministère de la Culture et des Communications, Office du film du Québec, Documents iconographiques, cote : E6, S7, SS1, P63948.

No comments yet

Publier un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Vous pouvez utiliser des balises HTML de base dans votre commentaire.

S'abonner aux commentaires via RSS