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«Le départ des hirondelles»

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L’hebdomadaire de Saint-Hyacinthe, La Tribune, du 10 octobre 1890, propose une réflexion sur l’hirondelle, un texte venu de France.

Vous devez vous rappeler ce charmant tableau de Clairin, édité par Goupil, qui représente une adorable femme, accoudée sur un balcon et suivant d’un regard attristé, un vol d’hirondelles. C’est aux premiers jours de l’automne et ces jolis petits oiseaux partent pour des contrées moins rigoureuses. C’est un délicieux tableau !

Je me suis surpris avant-hier, imitant la belle inconnue. J’ai suivi, moi aussi, du regard les hirondelles qui se préparaient à nous quitter.

On pouvait les voir de tous les côtés, se rassembler en poussant des petits cris aigus, s’orienter et disparaître au loin.

En certains endroits où elles se posaient sur les fils télégraphiques, ceux-ci ployaient sous leur poids.

Heureux oiseaux cosmopolites, heureux voyageurs dont le domaine s’étend partout où le soleil acquiert assez de puissance pour réchauffer la terre glacée, partout où l’air nourrit assez d’insectes pour leur fournir une abondante proie.

Mais, si l’hirondelle n’a pas de patrie, elle a une famille, une demeure, un chez elle, un home, et dans ces longs voyages qu’elle exécute deux fois, des terres équatoriales aux lignes polaires, et des cercles arctiques à l’équateur, elle se choisit toujours deux points de repos, deux maisons d’été, entre lesquelles elle partage sa vie.

Presque toujours, l’hirondelle qui nous quitte généralement vers la fin de septembre revient vers la mi-juin, un peu plus tard ou un peu plus tôt, suivant la saison, au nid qu’elle s’est bâtie, et, ce qui est plus étrange encore, les jeunes hirondelles établissent presque toujours leur demeure dans le voisinage du nid qui les a vues naître.

Ce fait de l’émigration des hirondelles vers l’approche de la saison rigoureuse, l’une des traditions les plus populaires de l’histoire naturelle, a longtemps été révoqué en doute, et deux opinions émises par les anciens écrivains pour expliquer ces disparitions périodiques ont encore trouvé des partisans parmi les naturaliste modernes.

Olaus Magnus, un moderne qui se fait joliment vieux avec son nom accommodé à la romaine, pensa avoir constaté par l’observation directe que les hirondelles passaient l’hiver dans un état d’asphyxie au fond des marais !

Comme on le voit, c’était très simple !

Klein et Linné, deux savants naturalistes, ont donné l’autorité de leur nom à l’hypothèse du savant évêque d’Upsal (c’est d’Olaus Magnus qu’il s’agit), et Cuvier lui-même dit, en parlant de l’hirondelle de rivage :

«Il paraît certain qu’elle s’engourdit en hiver et même qu’elle la passe en cet état au fond de l’eau des marais.»

D’autres savants ont préféré admettre que les hirondelles, comme les animaux hivernants, passaient la froide saison engourdies dans les creux des rochers.

Un petit détail de mœurs qui ne manque pas d’intérêt : les hirondelles seraient, paraît-il, monogames; elles défendent en commun leurs foyers envahis par l’ennemi; elles reconstituent en commun leurs demeures renversées ou détruites.

Essentiellement insectivores, elles font leur nourriture ordinaire de moustique, de mouches, de charançons, de tipules surtout dont elles sont friandes. Et c’est parce qu’elles poursuivent ces insectes dans les couches de l’air quand le ciel est pur, et qu’elles les chassent en rasant le sol, quand le ciel est chargé de nuages, que le vol de l’hirondelle est devenu un baromètre à l’aide duquel le peuple prédit les changements de temps.

Adieu, pauvres hirondelles; votre départ annonce l’approche de l’hiver ! Revenez bientôt, car votre retour, c’est l’arrivée des beaux jours, le renouveau des amours printanières !

 

Une partie de ce texte provient du Dictionnaire de la conversation et de la lecture, tome onzième (Paris, 1856).

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