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La ville de Montréal, une des plus bruyantes d’Amérique

marche aux pommes a montrealIl est vrai que Montréal est une des villes les plus bruyantes du continent. Mais ce n’est qu’entre neuf heures du matin et neuf heures du soir que ces bruits, du moins le plus grand nombre, sont les plus assourdissants.

Vers dix heures ou midi, et le soir de six heures à sept heures, la vie est dans sa plus grande intensité et c’est alors qu’on analyse avec plus de facilité ces bruits divers de la rue.

C’est d’abord l’orgue de barbarie, dont les airs confus et faux vous lancent jusqu’à deux cents pieds dans l’air des bribes des vieux airs d’opéra ou des débris de «chanson de nègre». Pourtant il n’y a pas de sots métiers et toute une populations exotique vit ainsi à moudre des airs.

Un autre bruit assourdissant, ou plutôt énervant, est le bruit de cette cloche qu’un imperturbable arrangeur de parapluies ébranle par toutes les rues pour quémander du travail. Mais il ne faut pas s’y méprendre, il arrive aussi que ce bruit de cloches nous avertit que nous allons manquer d’eau dans quelques instants et l’administration des eaux en pourvoyeuse pleine de sollicitude veut ne pas nous faire souffrir. C’est pourquoi elle arme un hérault d’une formidable cloche pour nous prévenir.

Un bruit auquel nos oreilles s’habituent difficilement, c’est celui du «gong» du tramway ou celui de la corne des autos.

Celui qui est confortablement installé dans le train ou dans «l’auto» s’aperçoit moins du bruit que le wattman ou le chauffeur font pour prévenir du danger, mais c’est le pauvre piéton que ces bruits agacent. Car il y a quelque chose d’énervant, ce me semble, dans ce coup de pied métallique du wattman, ou dans cette pression nerveuse du chauffeur sur sa poire.

Et c’est tellement le cas qu’il arrive souvent que l’un ou l’autre de ces bruits vous jette dans le péril, plutôt que de vous en sauver.

Les vendeurs de fruits et de denrées ou le chiffonnier qui font tous deux des commerces souvent très lucratifs sont encore de ceux qui ne contribuent pas peu à grossir les bruits de la rue.

Mais j’ai remarqué que parmi les vendeurs de fruits il s’en trouve qui s’efforcent de ne pas seulement lancer de vulgaires cris. Ils s’ingénient à faire des airs, voir même de la modulation. Au moins c’est un genre qui est original.

Mais, de tous les bruits de la rue, le plus sinistre c’est celui des pompiers qui avec rage courent au malheur qui vient d’éclater sur quelque point.

Il y a je ne sais quoi de profondément douloureux et de glacial dans ce bruit des cloches des voitures de pompiers et d’ambulance, comme dans le bruit des coups saccadés des pieds des chevaux sur l’asphalte. Mais ne disons rien si ces bruits nous ennuient : c’est pour le salut d’un des nôtres, ce sera peut-être un jour pour le nôtre propre.

 

La Patrie, 11 juillet 1908

La gravure du marché aux pommes à Montréal est parue dans L’Opinion publique du 11 novembre 1880. On la retrouve sur le site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, au descripteur «Marchandises».

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