Un autre trompe-la-mort sur un fil au-dessus du Niagara
En voici un nouveau qui décide de faire un pied de nez aux chutes du Niagara. La Gazette de Joliette du 11 septembre 1890 raconte.
Hier, le célèbre Blondin a été surpassé par un audacieux photographe de Toronto, S. J. Dixon. Comme on le sait, M. Dixon avait annoncé qu’il traverserait, hier, les chutes Niagara en marchant sur un câble tendu d’un diamètre de sept huitième de pouce. Il a tenu sa parole.
Hier après-midi, le câble était tendu entre les deux ponts. À 3.28 hrs hier après-midi, Dixon est apparu sur le câble tenu au-dessus des chutes du côté du Canada, un long bâton à la main, pour s’aider à maintenir son équilibre. Il était pâle et paraissait sous l’empire d’une vive émotion. Au moins 8,000 personnes étaient accourues pour jouir de ce spectacle empoignant. Tous les yeux étaient rivés sur Dixon.
Dixon marchait sur le câble à cent pieds au-dessus du gouffre mugissant. Après avoir parcouru à peu près un quart de la distance qui séparait les deux extrémités du câble, il s’arrêta, et se tenant sur la corde d’un seul pied, éleva l’autre jambe jusqu’à ce qu’elle fut presque dans un plan horizontal avec le câble.
En même temps, l’intrépide Dixon saluait la foule de sa main.
Rendu au milieu du câble, il s’arrêta de nouveau et se mit en frais de s’asseoir sur le câble, ce qu’il fit en appuyant le bout de son bâton en avant de lui sur le câble; puis il se coucha étendu de tout son long sur ce fil tenu, les bras croisés sur la poitrine.
Des cris d’horreur s’échappèrent de la poitrine de plus d’une des femmes qui assistaient à ce spectacle inouï. Plusieurs d’entre elles s’enfuirent même au loin, ne pouvant plus supporter cette vue.
Dixon ouvrit bientôt ses deux bras, salua la foule de chaque main et se releva pour continuer sa route. En se relevant, il imprima au câble des mouvements si violents qu’il parut sur le point de perdre l’équilibre et de s’abîmer dans le gouffre. Mais en se penchant à plusieurs reprises d’un côté et d’autre, il se remit en équilibre.
Rendu aux trois quarts de la distance, il se plaça de nouveau sur un seul pied, puis il se mit à courir pour remonter jusque sur le rivage américain, sur lequel il mit le pied à 3,421/2 heures, au grand soulagement de la multitude qui le dévorait des yeux depuis son départ du rivage canadien.
C’est alors que des applaudissements et des bravos éclatèrent sur les deux rives à la fois, se prolongeant avec un tumulte assourdissant.
Après s’être reposé cinq minutes, Dixon est revenu au câble, la cheville de chaque pied entourée d’un cercle, et il a traversé de nouveau sur le rivage canadien, exécutant le long du parcours différentes manœuvres avec un drapeau américain et un drapeau anglais.
En remettant le pied sur le sol canadien, Dixon s’est rendu tout droit à son hôtel suivi par une foule délirante, qui l’acclamait.
À son hôtel, Dixon a dit à un reporter que le seul embarras qu’il a éprouvé, c’est au milieu du câble, quand le câble s’est mis à vibrer avec violence. Il attribua cela à un vice dans la distribution des sacs de sable qui retenaient la corde tendue.
Dixon s’est exercé à marcher sur des câbles tendus, dans sa jeunesse; mais ce n’est qu’il y a environ un mois qu’il lui est venu l’idée de traverser les chutes comme il vient de le faire. Dixon a 38 ans; c’est un homme de 5 pieds et six pouces de taille, qui pèse 138 livres, brun et vigoureux. Il est né à New-York de parents irlandais et il a habité longtemps le village de Clarksburg, Ont.
La corde sur laquelle Dixon a accompli cet exploit est la même que celle sur laquelle «Steve Peer» et le prof «Delorme» ont tenté des exploits semblables et de laquelle ils sont tombés tous les deux dans l’éternité.
L’illustration de Dixon traversant sur son fil de fer apparaît sur le site The Daredevils of Niagara Falls.