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Décès du fildefériste Charles Blondin

Les trompe-la-mort datent de la seconde moitié du 19e siècle. Et ils auront des émules. En 1901, une dame de 62 ans, enfermée dans un tonneau, se tire en bas des chutes Niagara. En 1905, voilà que l’Américain James Hardy franchit dans les airs la chute Montmorency dans la région de Québec, plus haute que celles du Niagara.

Mais le plus grand fildefériste est probablement le Français Jean-François Gravelet, dit Charles Blondin, qui meurt à Londres en 1897. Le journal montréalais La Patrie souligne son départ, le 20 mars 1897, avec un article de Pierre Véron, qui a pour titre «Le vainqueur du Niagara».

 

Ce qu’il y a de plus difficile en ce monde, c’est de trouver les lois de l’équilibre.

D’où le succès retentissant et la très belle fortune que conquit Blondin, le héros de la corde, dont on vient d’annoncer la mort, cette fois définitive, car déjà à plusieurs reprises les informateurs trop pressés avaient envoyé dans l’autre monde le héros qui osa dire au Niagara :

— Tu es fier de tes chutes ! Eh bien, tu n’ajouteras pas la mienne à ta collection.

Blondin eût une existence mouvementée dans tous les sens.

Un beau jour, il avait quitté la France, coup de tête juvénile, pour ne pas satisfaire à la loi du recrutement. Il s’était condamné à l’exil pour de longues années, et cet exil il sut l’utiliser fructueusement. Cet Archimède suspendu eut une trouvaille géniale. Étant aux États-Unis et déjà rompu aux exercices funambulesques, il résolut de faire grand, de faire immense, et la badauderie américaine accourut pour le voir traversant l’espace, en portant un homme sur ses épaules ou dans une brouette. Vous savez le reste.

Lorsque Blondin eut enfin reconquis le droit de revoir son vieux Paris, j’eus l’honneur de la rencontrer au palais de l’Industrie où il travaillait, sous la coupole qu’on est en train de démolir. Ainsi que je le contai alors, j’étais avec Cham, l’intarissable ironiste.

Au cours du colloque, Blondin, se souvenant qu’il avait été gavroche en sa jeunesse et tenant à prouver à un maître du rire qu’il était capable de blaguer agréablement, lui aussi, dit à Cham d’un ton amer, mais sarcastique :

— Vous savez, monsieur Cham, s’il peut vous être agréable de faire la promenade avec moi sur la corde aérienne, je suis à votre disposition.

Et il attendit, visiblement satisfait et comptant sur un effet de surprise.

Mais Cham, avec l’impassibilité qui ne le quittait jamais :

— Mon cher Blondin, j’accepte avec le plus grand plaisir.

Si vous aviez vu les yeux écarquillés de l’acrobate célèbre ! Cham réitérant :

— J’accepte avec le plus grand plaisir, mais à condition que c’est vous qui monterez sur mes épaules.

Blondin, pour le coup, resta bouche bée. Il me semble revoir encore sa naïve stupéfaction.

Depuis lors, il revint plusieurs fois à Paris, mais sans pratiquer. Le voilà parti, laissant un million et demi, à ce qu’on assure. Je crois pouvoir affirmer que c’était un brave homme.

 

La photographie ci-haut de Charles Blondin marchant sur un fil de fer est extraite de cette page en anglais qui lui est consacrée.

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