Éboulement meurtrier à Québec
Le cap de Québec, on s’efforce de ne pas trop le répéter, est très friable, donc dangereux. Appartenant à la chaîne des Appalaches et formés de schiste, des pans risquaient constamment de se décrocher avant que la Ville ne se décide de corseter la falaise.
La pire tragédie survient le 19 septembre 1889. Sous le titre «Horrible catastrophe à Québec. Près de cent personnes écrasées sous des quartiers de roc», Le Journal de Waterloo du 26 septembre raconte.
On dirait que la vieille cité de Champlain est destinée à passer par les épreuves. Bien des fois depuis le commencement de ce siècle, elle a été le théâtre d’incendies désastreux. Mais si des propriétés d’une valeur considérable avaient été détruites, jamais Québec n’avait vu une hécatombe comme celle qui vient de jeter la tristesse et la consternation dans tous les cœurs de ses habitants.
Il était environ sept heures et demie, jeudi soir. La pluie tombait à torrent, et le vent soufflait en tempête. Comme les autres habitants de la capitale, les nombreuses familles d’ouvriers du port qui occupaient une dizaine de maisons de la rue Champlain qui longe le Cap Diamant se croyaient en parfaite sécurité sous le toit qui les abritait.
Mais les pluies incessantes avaient désagrégé la masse de terre et de roc contre laquelle s’appuyaient les maisons dont nous venons de parler, et d’énormes rochers, se détachant du sommet du cap, tombèrent sur ces maisons qu’ils écrasèrent comme des fétus, ensevelissant leurs malheureux habitants sous leurs décombres et sous les monceaux de roc qui les recouvraient.
Toute la rue Champlain fut bloquée sur une longueur d’environ trois cents pieds. Le bruit que fit cette avalanche de pierre, en tombant d’une si grande hauteur, fut entendu par toute la ville, et bientôt des centaines de personnes furent rendues sur les lieux du désastre et se mirent à l’œuvre pour dégager les morts et les blessés.
Mais quoiqu’on travaille avec toute l’ardeur et toute la générosité possible, on n’est pas encore parvenu à retirer tous les cadavres qui sont ensevelis sous les ruines.
Détail navrant, c’est que plusieurs malheureux, hommes, femmes et enfants, qui n’étaient que blessés, sont morts de souffrances et de faim avant qu’on ait pu parvenir jusqu’à eux. Dimanche, c’est-à-dire près de trois après la catastrophe, on entendait encore des plaintes de quelques-uns des malheureux que, malgré les efforts surhumains, il était encore impossible d’atteindre.
On a déjà retiré 40 cadavres, et l’on croit qu’il en reste encore dix ou douze sous les ruines.
Un autre quartier du rocher sur lequel est bâtie la citadelle menace de tomber. La terrasse Frontenac menace aussi de s’effondrer.
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Mardi, on a sorti de dessous les décombres un vieillard de 74 ans, Jos Kemp, qui vivait encore. Cet homme était resté enseveli sous une couche de roc et de débris de 25 pieds d’épaisseur, pendant 113 heures. On a tout lieu d’espérer que ce terrible événement ne le fera pas mourir.
Pour d’autres détails sur cette tragédie, voir cet article.
L’illustration publiée dans Le Monde illustré du 5 octobre 1889 se retrouve sur le site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, au descripteur «Éboulements».