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Arthur Buies dénonce l’inertie, l’indolence des Québécois

L’écrivain et journaliste a envie de secouer. Selon lui, les Québécois sont de grands enfants qui se bercent, manquent de vie, et ne sont pas conscients du temps qui passe. L’hebdomadaire Le Monde illustré reproduit son propos le 6 juillet 1889.

Les Américains sont déjà vieux à notre âge; ils ont tous les défauts d’un excès de croissance. Nous, nous avons peut-être les défauts d’une adolescence prolongée; nous nous complaisons dans cette idée de jeunesse qui fait dédaigner les moyens d’action. Sous prétexte que nous avons bien le temps de les utiliser; nous nous endormons dans notre berceau, sans songer que le temps marche pendant que nous rêvons, et qu’au réveil, nous ne sommes déjà plus de notre époque.

Mille illusions, mille puérilités charmantes nous enveloppent de leurs douces cajoleries, et nous ne songeons pas que c’est le plus beau temps de notre existence que nous dépensons de la sorte dans l’inactivité de nos facultés les plus viriles.

Sans doute, il est fort agréable de s’entendre répéter souvent qu’on est jeune et qu’on a devant soi le grand avenir; mais… les Canadiens [ainsi nomme-t-on alors les Québécois] ne sont pas tous de jolies femmes qui ne veulent vieillir à aucun prix.

À force de recevoir toujours le même compliment, on finit par le trouver fade, surtout lorsque, sous prétexte de jeunesse, nous sommes menacés d’une tutelle indéfinie, d’une dépendance qui se raffermit d’autant plus que nous grandissons davantage, et que le Dominion semble vouloir englober jusqu’au Groënland.

Songeons-y bien ! Voilà deux cent quatre-vingts ans que les Canadiens sont jeunes, à supposer que nous comptions du jour où Champlain fonda Québec, et trois cent cinquante-cinq ans du jour où Jacques Cartier parut sous le cap alors sauvage, aujourd’hui entouré d’une magnifique ceinture de remparts qui, en attendant qu’ils démolissent par leur seul aspect tous les ennemis possibles, servent à étouffer les habitants qui sont dans leur enceinte.

Si nous sommes jeunes encore, avec trois siècles derrière nous, et pour peu que notre vieillesse se prolonge autant que notre jeunesse, nous deviendrons certainement le peuple le plus sec, le plus rassis de l’univers.

Et, quelque 80 ans plus tard, le poète Claude Péloquin d’y aller du même discours, plus sèchement, sans y mettre les formes… et en une seule phrase.

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