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Surprise !

Dans Le Monde illustré du 2 juin 1888, celui qui signe «R. Chevrier, Montréal, mai 1888» est heureux. Il intitule son court texte « MERCI. Dédié à une collaboratrice du Monde illustré ».

Le facteur l’autre jour «dans une chambrette rose» a laissé pour moi
Sous enveloppe blanche un joli bout de prose
Plein d’un doux émoi.

Le mot était charmant, d’une senteur exquise,
Et mystérieux;
Et j’aurais pu vraiment, oh ! quelle gourmandise !
Le manger des yeux.

 

J’ai relu bien des fois ainsi que dans un songe
Ce billet flatteur,
Et je tiendrai longtemps cet aimable mensonge
Gravé dans mon cœur.

J’ignore toutefois qui m’a fait cette fête,
Femme, ange ou démon ?
Je donnerais pourtant la moitié de ma tête
Pour savoir son nom.

Mais à cette écriture élancée et coquette,
À ces humbles goûts
Je devine aisément une âme de poète
Et des yeux bien doux.

Et pour ces compliments qui que vous puissiez être
J’ose écrire ici
Que j’attends anxieux l’heure de vous connaître
Et vous dis : « Merci. »

* * *

Une semaine plus tard, toujours dans Le Monde illustré, paraît cette note adressée «Au poète auteur de MERCI !» :

Chante, poète, ta voix est si douce ! Chante ! — Mais laisse au mystère entre nous son charme infini. Ignores-tu que tout voile déchiré fait tomber un rêve et s’envoler une illusion ? Et la note est signée : «Une collaboratrice au Monde Illustré.»

 

L’auteur du poème est sans doute l’écrivain et médecin franco-ontarien Rodolphe Chevrier (1868-1949). Son portrait est paru dans Le Monde illustré du 7 mai 1892. On le retrouve sur le site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, au descripteur «Chevrier, R. (Rodolphe), 1868-1949».

3 commentaires Publier un commentaire
  1. Bonjour M. Provencher !

    Eh bien, nous voilà vous et moi une autre fois en train de patauger dans les mêmes eaux et à peu près en même temps. Car il y a quelques semaines, je feuilletais le recueil de poésie publié par Rodolphe Chevrier en 1892 et dont le titre est « Tendres choses ».

    On y trouve un poème qui m’a particulièrement touché car il évoque le collège où j’ai fait mes études secondaires, le collège Bourget de Rigaud. J’y fus comme Chevrier un pensionnaire, bien sûr à quelques 90 ans de distance, mais quand même, les impressions de l’environnement qu’il décrit me sont familières. De fait, l’environnement naturel du collège, avec le mont Rigaud notamment, n’a pas changé depuis l’époque de Chevrier, mis à part quelques constructions qui n’ont pas été trop nombreuses et qui n’ont pu défigurer le paysage (souhaitons que cela reste longtemps de même).

    J’ai fréquenté le collège durant les dernières années où c’était encore un gros pensionnat (environ 1000 pensionnaires), à la fin des années 1978 et 1985 et où la présence des Clercs de Saint Viateur était encore relativement importante.

    J’ai envoyé le poème, ainsi que la photo de Chevrier, aux responsables du périodique publié par le collège, « Bourget au Quotidien ». Peut-être voudront-ils le publier dans les pages réservées aux anciens étudiants, en tout cas je l’espère car, tout comme vous, je crois important de permettre, quand on en a l’occasion, aux écrits des aïeux de refaire surface, d’autant plus qu’ils peuvent souvent nous toucher encore.

    Je vous mets ici le poème en question :

    MON COLLÈGE

    (Collège Bourget, à Rigaud)

    Sur un plan incliné, caché dans le feuillage,
    Loin des voix, loin des bruits qu’enfante le village,
    C’est lui que j’entrevois à travers les bosquets ;
    C’est mon collège aimé, c’est là le sanctuaire
    Où j’ai puisé l’amour, la force, et la prière ;
    Pour combattre à mon tour, là j’ai forgé mes traits.

    À l’ombre des grands pins qui parent la montagne
    son toit domine en roi la riante campagne ;
    Les zéphirs caressants peuplent ses gais entours ;
    Tout chante près de lui, l’oiseau, le flot, la brise,
    Tour rayonne et sourit, tout est joie et surprise,
    La forêt le parfume et l’encense toujours.

    L’infatigable oiseau des doux chants de sa lyre
    Berce le coeur en feu, calme l’âme en délire,
    Cette harpe vivante, au fond des bois touffus,
    Mêle à mille autres voix sa voix tendre et joyeuse,
    Et, déluge de sons, pluie harmonieuse,
    On n’entend plus parfois qu’un bruit sourd et confus.

    Tout près, un flot d’argent avec gaîté s’écoule,
    Mais tout-à-coup s’émeut, bondit, se dresse et croule,
    Et troublé, plein d’écume, il s’élance en hurlant
    Dans l’abîme profond entr’ouvert sur sa route,
    Et bientôt renaissant du gouffre qu’il redoute
    Revient à la surface et repart en chantant.

    Sanctuaire où la paix nous verse son arôme,
    Nous voyons le bonheur resplendir sous ton dôme,
    Parfois un voile sombre obscurcit sa clarté ;
    Mais pareil au rayon qu’arrête le nuage,
    Après avoir vaincu l’obstacle qui l’outrage,
    Il paraît plus brillant, plus rempli de gaîté.

    Ô mon Alma-Mater, ô mon charmant collège
    Que la joie environne et la verdure assiège,
    Quel luth pourra chanter l’ivresse de tes murs ;
    Quelle voix vibrera pour célébrer la joie
    Qui sur les fronts de tous sans cesse se déploie
    Et qui répand partout ses reflets clairs et purs ?

    Collège où j’ai rêvé, collège où ma jeune âme
    Du flot grondant et noir ne craignait pas la lame,
    Ton souvenir longtemps réjouira mon coeur ;
    Ballotté sur la mer écumante de rage
    Battu contre l’écueil, vacillant sous l’orage
    Je me rappellerai ton nom avec bonheur.

    Collège Bourget, Rigaud, 1885

    19 juillet 2014
  2. Aussi, j’ai trouvé cette notice biographique sur cette page des archives de l’université d’Ottawa http://arts.uottawa.ca/crccf/fonds/P328 :

    Notes biographiques

    Chevrier, Rodolphe. Médecin et auteur. Ottawa (Ont.), 5 avril 1868 – [Ottawa (Ont.)], 11 février 1949. Marié à Joséphine Belle, 1892. Études : Collège de Bourget; Université d’Ottawa; médecine, Université Laval de Montréal, 1886-1890. Départ pour l’Europe, 2 octobre 1890; séjourne en France, en Angleterre et en Suisse; poursuit ses études de médecine à Paris, où il est reçu membre de la Société obstétricale et gynécologique de Paris. Pratique la médecine à Ottawa, à partir de 1891; chirurgien en chef, doyen du corps médical et président du Bureau des médecins, Hôpital général d’Ottawa; premier directeur médical, Hôpital Saint-Vincent-de-Paul d’Ottawa, 1932-1949. Publication : Tendres choses, 1892. Collabore à des périodiques, entres autre, Le Monde illustré, Le Glaneur et Le Canada. Sources : Dossiers administratifs CRCCF; Fonds Rodolphe-Chevrier; Dictionnaire des oeuvres littéraires du Québec, tome 1, p. 695;Dictionnaire des auteurs de langue française en Amérique du Nord, p. 301.

    19 juillet 2014
  3. Jean Provencher #

    Ô, merci beaucoup, Monsieur Laprès. Tout cela vraiment ajoute à notre connaissance de ce cher Chevrier.

    19 juillet 2014

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