Ce que le 19e siècle a apporté
Au Québec, en histoire, le 19e siècle fut longtemps un moyen âge. On préférait la Nouvelle-France et le 20e siècle. Sauf exceptions, on ne s’y était guère intéressé que pour le politique et le religieux. Il en fut pourtant un de grandes révolutions technologiques. Au point où le 20e siècle vivra beaucoup, jusqu’en 1980, avant l’arrivée du numérique, des acquis du siècle précédent.
Voici une grande revue de ce qu’a apportée le 19e siècle. Elle paraît à la une du journal Le Canadien, le 4 juin 1891.
C’est prodigieux comme le monde a marché depuis l’ouverture du siècle actuel.
Si la vieille génération revenait sur terre, elle en serait émerveillée, elle manifesterait à tout instant l’étonnement où ne manqueraient pas de la jeter les innombrables découvertes de notre époque.
Il est de fait que depuis cinquante à soixante ans nous avons marché à pas de géant et que tout s’est transformé.
Le progrès des sciences a amené pour sa part dans tous les arts de la vie des perfectionnements qui ont renouvelé totalement l’industrie, l’agriculture, les moyens de transport, le chauffage et l’éclairage.
Les premières années du siècle nous ont d’abord donné la vapeur comme force motrice. Cette découverte a été féconde en résultats. Il en est sorti trois grandes applications : les machines à vapeur, les bateaux à vapeur, les chemins de fer.
La machine à vapeur, inventée par Watt, a reçu d’année en année de nouveaux perfectionnements et elle sert aujourd’hui à mettre en branle presque tous les grands appareils de fabrication.
Le bateau à vapeur a tué, il est vrai, l’industrie du navire à voiles, en accaparant tout le transport des voyageurs, mais l’on ne saurait nier qu’il présentât de bien plus grands avantages. Il méritait d’être préféré au navire à voiles à cause de sa résistance à tous les éléments et à cause de sa célérité.
Puis sont venus en 1830 les chemins de fer. On sait quels développements ils ont pris. Tous les pays du monde sont sillonnés aujourd’hui par d’importants réseaux qui ont puissamment contribué à augmenter la richesse publique.
Venue en dernier lieu, l’électricité est en voie d’opérer des merveilles plus étonnantes encore que celles qu’il nous a été donné d’admirer. Déjà elle a fait naître le télégraphe, l’éclairage électrique, la galvanoplastie, la téléphone, puis le fameux phonographe d’Edison.
L’agriculture a retiré de sérieux avantages de toutes les découvertes successives qui se sont faites dans la mécanique et la chimie.
La mécanique a produit les machines agricoles, la faucheuse, la moissonneuse, la batteuse, la rateleuse qui ont fait mettre de côté tous les outils à la main tels que les faulx, la faucille, le fléau, etc.
La chimie a fourni les engrais chimiques, plus énergiques et quelquefois moins dispendieux que le fumier.
Grâce enfin à toutes ces nouvelles inventions, l’agriculture a fait plus de progrès dans les trente dernières années qu’elle n’en avait fait dans les dix-huit siècles qui avaient précédé.
Comme l’agriculture, l’industrie a aussi largement profité des applications de la science, surtout de la mécanique et de la chimie.
Ainsi l’extraction de la houille est devenue plus rapide et moins onéreuse; l’industrie des armes a subi une révolution complète; la blanchisserie, la tannerie, le filage et le tissage du coton, de la laine, de l’imprimerie, l’industrie du papier, la gravure, la lithographie, ont pris une importance et une extension jusque là inconnues.
Et puis, parmi les inventions nouvelles, les principales, outre les applications de la vapeur et de l’électricité, nous avons eu les allumettes chimiques, le sucre de betterave, le gaz, le pétrole, le caoutchouc et la gutta-percha, la photographie et l’héliogravure, la galvanoplastie, les couleurs extraites de houille, les conserves alimentaires, l’extrait de viande, etc.
Il est certain que le génie humain n’a pas encore dit son dernier mot. Le vingtième siècle, qui est à la veille de s’ouvrir, promet d’être aussi fécond en merveilles que l’a été le dix-neuvième qui achève sa brillante et laborieuse carrière.
Un jour, on travaillera à une grande histoire des techniques au Québec, en particulier aux adaptations qu’elles nous ont demandées.