Réflexion sur les superstitions
Pourquoi sommes-nous superstitieux ? D’où viennent les superstitions ? À quels besoins humains répondent-elles ? Les superstitions sont-elles nécessaires pour être heureux ? Croyons-nous que le respect d’une superstition précise, par exemple, nous donne un certain pouvoir ?
Le chroniqueur qui signe A. B. [A. Beauchamp] fait la une de La Patrie du 11 février 1893 avec ce sujet, sans cependant apporter réponse à ces questions. Extraits.
D’entrée de jeu, le chroniqueur échappe cette phrase du philosophe Spinoza qui résume sa pensée : «La principale différence entre la religion et la superstition, c’est que celle-ci a pour base l’ignorance, et la religion la sagesse».
Puis il enchaîne :
Nos ancêtres, il faut bien en convenir, étaient fort superstitieux. Dans le siècle où nous vivons, les superstitions ont presque toutes disparu ; il n’y a d’exceptions que pour quelques campagnes isolées, comme l’Isle-aux-Grues, l’Isle-aux-Coudres et certaines paroisses isolées des grands centres.
On a dit avec raison que plus un peuple est ignorant, plus il est superstitieux. Il y a, cependant, des exceptions à cette assertion, puisque nous voyons, tous les jours, des personnes censées instruites accrocher un vieux fer à cheval au-dessus de la porte d’entrée de leur demeure : ce morceau de fer, c’est le dieu tutélaire des pénates; il est là pour éloigner les malheurs du foyer domestique et y «amener la chance».
D’autres ne veulent pas s’asseoir à une table autour de laquelle se trouvent treize convives.
Des capitaines au long cours ne veulent jamais mettre à la voile un vendredi, même quand il souffle la plus belle brise du monde.
J’ai un beau-frère, avocat instruit et distingué, qui croit dur comme fer au fantôme irlandais connu sous le nom de Banshie. […]
Prenez même la vieille fille anglaise, raide, empesée, se croyant supérieure à toute autre créature et qui vous fait l’effet, le plus souvent, d’une asperge surmontée d’une pomme d’api; croyez-vous qu’elle n’a pas, elle aussi, son bagage de superstitions ? Si vous en doutez, demandez-lui à quels moyens superstitieux elle a eu recours, en vain, pour se trouver un amoureux.
Ceci n’empêche pas que les peuples que nous considérons comme étant encore dans l’enfance, sous le rapport de l’instruction, sont les plus adonnés à la superstition, et cela est conforme à la logique, puisque ce sont les lumières qui peuvent distinguer la religion des croyances superstitieuses. Fontenelle va encore plus loin : «Le superstitieux, a-t-il écrit, a le jugement nécessairement faux, l’âme faible et parfois le cœur dur : il met une force idéale à la place de la raison».
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