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Hommage au Pigeon biset

Oui, je sais, personne n’aime le Pigeon biset, sauf le Faucon pèlerin qui en fait son repas au cœur des villes, de même que les vieillards et les itinérants vivant dans les parcs qui les nourrissent, bien que ce soit défendu.

Moi ? Je lui porte attention. C’est une des multiples manifestations de vie dans nos quotidiens urbains. Mais, étonnamment, le pigeon de la campagne est plus sauvage que le pigeon de la ville. Moins habitué sans doute aux bêtes humaines, les pigeons bisets (Columba livia, Rock Dove), chez moi, me fuient dès qu’ils m’aperçoivent. C’est sans doute la raison pour laquelle je n’ai jamais eu de nichée de pigeons dans ma grange depuis 38 ans.

Que peuvent bien en dire les spécialistes d’ici, ces amants des oiseaux ? Voyons voir.

James MacPherson LeMoine, dans son Ornithologie du Canada au début des années 1860, n’a aucun respect pour cette bête. Il parle bien du «Pigeon de passage», la tourte, aujourd’hui disparue, mais il ignore le Pigeon biset. Il en va de même de Charles-Eusèbe Dionne, dans Les oiseaux du Canada (1883). Et Dionne est tenace. En 1906, dans cet ouvrage qu’il prétend complet — Les oiseaux de la province de Québec —, un livre de 414 pages, il ne glisse aucun mot de l’existence du Pigeon biset au Québec. Quand même.

Voyons P. A. Taverner (Les oiseaux de l’Est du Canada, 1920), une publication du gouvernement fédéral, plus précisément du ministère des Mines. Là, c’est tout de même incroyable, Taverner demeure muet ! Le Pigeon biset n’a droit à aucune existence, alors que Samuel de Champlain, qui fonda Québec le 3 juillet 1608 et avait droit de pigeonnier comme tout noble, avait ses Pigeons bisets apportés de France.

Allez, faisons-nous une raison. Allons voir Claude Mélançon, dans Charmants voisins (1940). Ce naturaliste, qui ne prétend pas parler de toutes les espèces d’oiseaux vivant au Québec, ignore comme ces prédécesseurs le Pigeon biset. Qui l’eut cru ? Tous ceux qui écrivent sur les oiseaux québécois depuis le début des années 1860 taisent l’existence du biset.

Dernier espoir : Les oiseaux nicheurs du Québec, Atlas des oiseaux nicheurs du Québec méridional (1994), sous la direction de Jean Gauthier et Yves Aubry. Là, ENFIN, voici quatre pages sur le Pigeon biset de l’ornithologue Hélène Lévesque. Avant même de vous lire Madame Lévesque : Félicitations ! Vous êtes une pionnière !

Voici d’abord le paragraphe d’introduction de Madame Lévesque qui fait, d’une certaine manière, la leçon à tous ces hommes qui l’ont précédée depuis 130 ans.

Compagnon de l’homme depuis des millénaires, le PIGEON BISET est un élément bien connu du paysage urbain comme du paysage rural. Originaire de l’Ancien Monde, il aurait été le premier oiseau domestiqué. Il a été introduit partout sur le globe, sauf sur le continent antarctique. Au Québec, le Pigeon biset est sédentaire.

Et voici certains passages du texte de l’ornithologue Lévesque.

Il [c’est un oiseau granivore] trouve à manger sur les terrains agricoles, autour des auges des animaux de ferme, dans les parcs urbains et dans les sites de transbordement de céréales (ports, gares de triage, silos et minoteries).

Le Pigeon semble utiliser le soleil pour s’orienter. Il posséderait de plus un système interne qui lui permettrait de corriger son cap en compensant pour le déplacement du soleil dans le ciel.

Entre les mois de janvier et d’août, la femelle pond généralement deux œufs; elle peut avoir trois couvées par année, parfois plus. La femelle et le mâle prennent soin des petits. Oiseaux monogames, le couple dure toute la vie. L’espérance de vie d’un pigeon est de six ans et deux mois.

La répartition du Pigeon biset au Québec correspond à l’occupation du territoire par l’homme. Ainsi, l’espèce niche dans toutes les régions au sud du 50e parallèle, mais c’est dans le sud du Québec méridional, la région la plus développée sur les plans agricole et urbain, qu’elle est la plus commune. Elle a surtout été observée en Montérégie et en Estrie, ainsi que le long de la rivière des Outaouais et sur la rive nord du Saint-Laurent, jusqu’aux environs de Québec.

Plus au nord, on rencontre le pigeon biset localement, le long des axes de développement que constituent les vallées de la Gatineau et du Saguenay, ainsi que sur la Côte-Nord, dans la région Chaudière-Appalaches, dans le Bas-Saint-Laurent et en Gaspésie. Le Pigeon biset est également établi dans des régions isolées comme en Abitibi et aux Îles-de-la-Madeleine, mais il est absent de l’île d’Anticosti. Enfin, les observations les plus nordiques proviennent de Radisson et du village d’Eastmain : un individu a été vu  à chacun de ces endroits en 1984.

Les premiers pigeons introduits par les colons européens étaient des pigeons de ferme élevés pour leur chair. Ces oiseaux avaient l’habitude de s’alimenter autour des bâtiments et nichaient dans des pigeonniers, où l’on prélevait des pigeonneaux juste avant l’envol. […] Avec le temps, des pigeons échappés de leur pigeonnier se sont établis sur des corniches et autres éléments architecturaux, ainsi que dans des greniers, des hangars ou des granges délabrées.

Lisant ces lignes, je me réjouis de savoir qu’un couple de pigeons habite ma vieille grange depuis plus d’un mois maintenant; ils enrichissent mon milieu. Bienvenue dans l’arche. Et bravo à cet Atlas des oiseaux nicheurs du Québec méridional !

Incroyable quand même ce silence québécois assourdissant pendant plus d’un siècle au sujet de cet oiseau qui aurait été le premier domestiqué dans l’histoire de l’humanité !

2 commentaires Publier un commentaire
  1. Esther Bourgault #

    « Personnage » controversé que ce pigeon… Chanceux êtes-vous d’en avoir un couple près de vous et de pouvoir ainsi les observer… car bien des personnes ne supportent pas, question santé respiratoire, la proximité de leurs « rejets »… On a peut-être aussi exagéré ces faits ?(Au lieu de renforcer la résistance des individus, on a maintenant cette malheureuse tendance à éloigner/supprimer toutes les causes possibles de « trouble »…)

    16 février 2014
  2. Jean Provencher #

    Ah, je suis heureux, chère Esther, de les savoir là avec moi. Et je vais même jusqu’à espérer une nichée. Vous connaissez l’histoire : Deux pigeons s’aimaient d’amour tendre……..

    16 février 2014

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