«Les fourmis parlent»
Qui s’intéresse aux fourmis connaît le travail de Maurice Maeterlinck (1862-1949). L’ouvrage de ce Belge né à Gand, La Vie des fourmis, est paru en 1930. Mais il semble que, quelques dizaines d’années avant lui, certains s’intéressaient aussi de près aux fourmis. Un article du journal Le Canadien du 5 janvier 1888 le confirme.
Les fourmis parlent, c’est démontré. Elles parlent non comme nous pour s’agonir de sottise, pour se faire le plus de tort possible ou perdre leur temps à raconter des billevesées, et à pérorer pendant des heures sans rien prouver, mais bien dans un but louable, pour s’entraider et tâcher, par les communications qu’elles peuvent se faire, de régir leurs intéressantes communautés pour le bien-être d’elles toutes.
On savait qu’entre certains insectes il existait des façons de se faire comprendre qui se traduisaient par des frottements d’antennes ou par des mouvements d’ailes et de pattes; on avait même écrit là-dessus des considérations générales qui ne concluait à rien du tout; mais ce qu’on ignorait absolument jusque dans ces derniers temps, c’est que les fourmis parlent et elles parlent, les braves petites bêtes; nous allons raconter comment les savants sont parvenus à s’en apercevoir.
Et l’auteur d’y aller d’une observation du «grand naturaliste anglais, Sir John Lubbock».
Un jour, à quelque distance d’une fourmilière, il plaça une mouche morte fixée au sol par une épingle. Une fourmi la vit et, après avoir vainement essayé de s’emparer du cadavre de l’insecte, elle renonça à continuer ses efforts, et retourna rapidement au nid commun. Elle en revint bientôt accompagnée de sept de ses compagnes, mais impatiente sans doute de retrouver le cadavre de la mouche, elle devança les autres fourmis, qui, privées de leur guide, ne tardèrent pas à s’en retourner à la fourmilière, n’ayant pu trouver la mouche, objet de leurs convoitises.
La première fourmi, se voyant seule près du cadavre, retourna une seconde fois au nid. Et revint de nouveau suivie cette fois de huit nouvelles fourmis, qu’elle abandonna comme au premier voyage.
Le renfort ne désespéra pas; les huit fourmis se dispersèrent dans différentes collections, et l’une d’elles ayant enfin trouvé la mouche toujours piquées en terre, vint faire part à ses compagnes de sa découverte. Une heure après, de la mouche, il ne restait plus rien.
* * *
Haque, le célèbre géologue, raconte qu’ayant dans le mur de sa chambre un trou d’où sortait une bande de fourmis qui allaient se nourrir d’un bouquet de violettes déposé sur la tablette d’une fenêtre, il imagina pour se débarrasser d’elles d’écraser quelques fourmis sur le chemin que toutes parcouraient. Les autres, prises de peur en voyant les cadavres de leurs compagnes, s’enfuyaient affolées et, pendant un mois parfois, toutes les fourmis évitaient de retourner au bouquet.
N’est-ce pas qu’elle est jolie, cette compréhension admirable qui existe chez de si petits animaux, et si ceux-là en se comprenant aussi bien que nous ne sont que nos égaux, ils nous sont bien supérieurs par l’emploi admirable qu’ils font de la faculté de se parler. Ce n’est pas nous, le jour où nous trouverions un magot sur notre route, qui nous empresserions d’aller appeler des voisins pour nous aider à le transporter.
Merci pour votre article sur ces mystérieuses fourmis.
Je me suis moi aussi amusé à les maltraiter étant gamins ce que je regrette à l’heure actuelle.
Je leurs ai dédié un poème en 2008.
les scaphandriers de chair
Bien cordialement
Pêcheur juvénile, môme avec l’aide d’un clou rouillé
Raillant aux fourmis laborieuses, j’éclatais leurs têtes
Imitant le bourreau je dis que ce jeu était péché
Espérant Dieu, qui entend le pas des fourmis me rachète
D’accord qu’à un pétale arraché l’univers est sensible
Illustrant que nos actions portent un poids irrésistible
Escomptant que du plus simple et du plus humble des poètes
Une lignée mystique peut surgir, établir des prophètes
Pour Dieu, l’homme est ce qui est obnubilé par l’apparence
Or le Seigneur est ce qui bien que caché rend tout réel
Usant de patience quand l’homme saccage et s’en balance
Raffermissant sa création Dieu des dégâts tire un miel
Nourrissons de nos sueurs, salives et nos charniers des
Occultes et riches vibrations pour des destins de paix
Un chemin aussi long qui est néanmoins porteur de sens
Songe que le fruit délicat rivalise de prudence
Terrible môme je fus quand à l’aide d’un clou rouillé
Ostensiblement je niais la peur qui force au travail
Ustensile d’un vieux supplice, ce jeu était cliché
Sur le combat de l’inertie dont il faut qu’elle s’en aille.
Merci, cher poète.