Un bateau comme une bouteille à la mer
Voilà une histoire absolument incroyable. Un bateau dérive pendant des mois et des mois sans personne à son bord. Le Canadien du 30 janvier 1889 raconte.
Au gré des flots
On vient d’apprendre que la goélette américaine W. L. White, qui avait dû être abandonnée lors du fameux blizzard du mois de mars dernier, au large de l’embouchure de la Delaware [aux États-Unis], est allée s’échouer, il y a quelques jours, à l’île Lewis, de l’archipel des Hébrides, au large des côtes d’Écosse.
Le parcours suivi pendant près de onze mois par la goélette abandonnée est, dit-on, un fait sans précédent dans les annales maritimes. Ce parcours a été soigneusement relevé sur la carte de l’océan par le bureau hydrographique des États-Unis, d’après les rapports de quarante-cinq capitaines de navires qui ont rencontré la goélette dans sa course en zigzags à travers l’Atlantique, et dont plusieurs ont failli se heurter contre elle par des temps de brouillard.
On a calculé que la W. L. White a parcouru ainsi au gré des flots et du vent plus de 5,000 milles avant d’aller s’échouer aux Hébrides. Sa cargaison se compose de bois de construction, et des mesures ont été prises pour la sauver.
Lorsque la goélette a été abandonnée, elle faisait eau de toutes parts, et, bien qu’elle fût maintenue à flot par le bois dont elle était chargée, on croyait qu’elle coulerait ou du moins qu’elle se disloquerait à tout moment.
C’est dans cette conviction que le capitaine et les hommes d’équipage l’ont abandonnée, et ces infortunés sont restés quatre jours sur leurs embarcations par un temps affreux, presque sans provisions, les vêtements trempés et exposés à tout moment à périr, lorsque enfin ils ont été recueillis, le 17 mars, à 70 milles au sud-ouest du cap May, par le trois-mâts barque Record.