Les Canadiens-français vus par le New York Sun
La Tribune (Saint-Hyacinthe) du 2 décembre 1892 reproduit l’article du Sun, un texte étrange à certains égards.
Les Canadiens qui affluent aux États-Unis font d’excellents citoyens américains. Nous en avons aujourd’hui environ 20,000 dans notre ville. Ils sont d’une nature pacifique, industrieuse, frugale, sobre, et ont le respect des lois. Quelques-uns d’entre eux sont des hommes d’affaires de premier ordre, la plupart ont des métiers, et les autres se livrent à n’importe quel travail pour gagner leur vie.
Même ceux d’entre eux dont la langue originelle est le français sont à même de savoir un peu d’Anglais et ils le possèdent très vite. La plupart des Canadiens élevés dans les districts ruraux, aussi bien les hommes que les femmes, cherchent du travail dans les fabriques lorsqu’ils viennent aux États-Unis, et on en trouve des milliers dans les manufactures de New-York et de la Nouvelle-Angleterre.
Leur teint est légèrement plus foncé que la moyenne des Américains, et un petit nombre d’hommes seulement portent la barbe. Nous croyons que cent Canadiens-Français, pris au hasard, pèseraient au moins mille livres de moins que cent Américains ordinaires également pris au hasard. Le New-Yorkais de taille moyenne qui va chez les habitants de la province de Québec, surtout en hiver, dira certainement que c’est un peuple de petite taille.
On évalue à plus de 100,000 le nombre des Canadiens qui sont venus aux États-Unis depuis sept ans. Il doit être fort pénible pour le pauvre vieux Canada de perdre un aussi grand nombre de ses enfants, enfants sains, industrieux et se conduisant bien.
Mon arrière-grand-père, Philandre Langlois, que j’ai eu la chance de connaître, avait tenté sa chance au début du xxième siècle en Nouvelle-Angleterre. Il y est resté 2 ans je crois. Deux de mes grand-tantes y sont nées. Je pense qu’il a eu le mal du pays alors il est revenu, avec un peu plus d’argent, et s’est installé dans le Faubourg St-Jean-Baptiste où il a exercé trente-six métiers. Heureusement car ma Grand-mère n’aurait jamais rencontré son bel Emmanuel and I would be a yankee for sure or still in Lymbes!
J’avais dix ans quand il est décédé; que de questions je lui poserais aujourd’hui! C’était un homme paisible, pour qui le bonheur se trouvait dans les choses simples. Il aimait s’asseoir sur le perron de la maison chez ma grand-mère et «regarder le temps faire» en sirotant une limonade…Je l’ai fait quelques fois avec lui. Je lui dois une partie de mon goût de la contemplation des gens et des choses…
Et il avait un talent particulier: même en étant analphabète, il pouvait, en analysant le plan d’une maison, déterminer à la planche et au clou près les besoins en matériaux pour sa construction et ça, mentalement…Il a aussi participé à la construction de la maison de mes parents et abattait un travail considérable avec, selon mon paternel, une économie de gestes impressionnante. Heureux je suis d’avoir pu le côtoyer un peu…
Ô merci, cher Pierre, de ce si beau témoignage, émouvant !