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Le «Minuit, chrétiens»

On peut s’imaginer que les chants de Noël remontent à des temps très anciens, quasi à la naissance de l’Enfant. Mais non. Si le Dans cette étable voit le jour quand même au 16e siècle, le Minuit, chrétiens est pour nous, historiens, bien jeune. Le texte de la chanson fut écrit par Placide Cappeau vers 1843 et mis en musique par Adolphe Adam en 1847.

Or, voilà qu’Ernest Gagnon (1834-1915) découvre ce chant à Paris en 1857. J’aime bien ce Gagnon car il fut le premier à s’intéresser à la chanson québécoise. Né à Louiseville, il publie en 1865 Chansons populaires du Canada, afin de démontrer la grandeur et la beauté des chants folkloriques du Québec. Il gagne sa vie comme professeur de musique et organiste à Québec.

Le 24 décembre 1857, à onze heures et demie du soir, le voici à Paris, place de la Concorde. Il a rejoint son ami Joseph Perrault, de Montréal, et les deux décident d’aller entendre la messe de minuit à l’église Saint-Roch.

Dans son ouvrage Choses d’autrefois, Feuilles éparses, publié à Québec chez Dussault et Proulx en 1905, Ernest Gagnon raconte.

 

En franchissant le seuil de la vaste église de Saint-Roch — l’église paroissiale de Napoléon III — j’entendis une délicieuse voix de soprano chanter une mélodie pour moi alors inconnue : c’était le cantique d’Adolphe Adam :

Minuit, chrétiens, c’est l’heure solennelle
Où l’Homme-Dieu descendit jusqu’à nous…

L’impression que me fit cette voix céleste d’enfant fut si profonde que, bien que atténuée par le temps, elle n’est pas encore effacée.

Dans les jours, les semaines, les mois qui suivirent, j’entendis chanter le Noël d’Adam partout : dans les églises (à Saint-Eustache, à Saint-Sulpice, à la Madeleine), dans les salons (chez M. Auguste Durand, chez M. de Faucompret), dans les concerts (à la salle Herz, à la salle Sainte-Cécile, à la salle Pleyel). C’était l’engouement. Et ce pauvre Adolphe Adam — mort subitement le 3 mai 1856 — n’était pas là pour jouir de son triomphe !

Au mois de décembre 1858, j’étais de retour au pays et je fis entrer le Noël d’Adam dans le répertoire musical de Québec. Ici comme à Paris, le succès fut immense. Il n’y avait pas alors de messe de minuit dans les églises paroissiales de la ville, où les offices publics de Noël commençaient avec la messe de l’aurore. Ce furent les fidèles de Sillery qui, les premiers de la région de Québec, entendirent, à la messe de minuit, le célèbre cantique; et ce fut la fille aînée de l’honorable René-Édouard Caron qui le chanta, de sa voix ample et richement timbrée. […]

À la messe solennelle du jour (25 décembre 1858), le Noël d’Adam fut chanté à l’église Saint-Jean-Baptiste de Québec (dont l’abbé Antoine Racine était le desservant) par Mademoiselle Belleau, avec accompagnement de harpe par Madame Peter Sheppard (née Desbarats)… Je tenais le grand orgue, ou plutôt l’orgue unique, car alors l’usage d’un petit orgue d’accompagnement n’était pas encore entré dans nos mœurs.

Le soir, le cantique fameux fut répété dans l’église de la basse-ville. […]

Le Noël d’Adam aura bientôt son demi-siècle. Vivra-t-il longtemps encore ?

 

Nous sommes en 1905. Ernest Gagnon pose la question. Si, à Québec, le Minuit, chrétiens fut popularisé par des voix féminines au 19e siècle, il sera porté par des voix masculines au 20e siècle. Les noms de Raoul Jobin et Richard Verreau me viennent tout de suite en tête.

L’illustration provient de l’ouvrage de l’abbé Charles-Émile Gadbois, La bonne chanson, Québec, Saint-Hyacinthe, 1951, neuvième album, 401 à 450.

2 commentaires Publier un commentaire
  1. alain gaudreault #

    Joyeuses fêtes a vous et vos proches!

    24 décembre 2013
  2. Jean Provencher #

    Merci merci. À vous de même, cher Monsieur Gaudreault.

    24 décembre 2013

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