Baptiste Peynaud y laisse sa peau
Nouvelle-Orléans. Baptiste Peynaud, le sauteur, est mort hier soir, en cette ville, des blessures qu’il s’est infligées vendredi soir, en faisant son remarquable saut. Peynaud est arrivé ici, il y a deux semaines, et avait sauté pendant dix jours, l’après-midi et le soir, du haut d’une tour dans le centre de la ville. Vendredi soir, il monta comme d’habitude. Il y avait un léger brouillard et on suppose que cela fut cause qu’il calcula mal sa distance.
Il avait l’habitude de sauter la tête la première, comme un plongeur, et de tourner un tant soit peu sur lui-même avant d’arriver au filet tendu au pied de la tour, de façon à tomber sur les épaules arcboutées. Cette fois, il fit presqu’un demi-tour, tombant sur le dos et les reins. Il ne rebondit pas comme d’habitude et resta immobile et insensible.
Sa femme, qui se trouvait parmi les spectateurs, vit aussitôt qu’il était blessé et s’écria : «Il s’est tué ! Il s’est tué !» On le releva, des médecins qui se trouvaient sur les lieux l’examinèrent et déclarèrent que la chute avait causé un ébranlement de l’épine dorsale. On le transporta chez lui, le bas du corps paralysé. Le lendemain, il prit du mieux, on annonça que ses blessures n’étaient pas graves, et, hier, il pouvait se mouvoir les membres et tout indiquait qu’il se rétablissait.
Hier soir, il empira subitement et le médecin fut mandé en toute hâte, mais, quand il arriva, Peynaud avait rendu le dernier soupir. Son cadavre est chez un entrepreneur de pompes funèbres, qui attend des instructions d’un de ses frères résidant à Baltimore. Si on ne reçoit pas un mot de lui, l’athlète sera enterré ici.
Peynaud laisse une veuve pauvre et on est à recueillir des souscriptions à son bénéfice. Il n’y a que quelques mois qu’elle avait épousé Peynaud, qu’elle rencontra à Paris, l’été dernier. Elle se prit d’amour pour lui et s’enfuit de chez ses parents pour l’épouser. Peynaud voulait alors sauter du haut de la tour Eiffel, mais les autorités s’y opposèrent. Il avait fait pendant 15 ans le saut qui lui a enfin de compte coûté la vie.
Source : Le Canadien (Québec), 6 décembre 1889.
La photographie d’un plongeur d’une grande hauteur fut prise à Expo Québec, à Québec, le 29 août 2010.