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Causerie d’automne

Au cours de la seconde moitié des années 1880, un chroniqueur qui se donne le nom de Le Chat y va d’une chronique hebdomadaire dans La Tribune, de Saint-Hyacinthe. Ce chat a pour nom véritable J.-Antoine Chagnon, avocat de Marieville, qui, à l’occasion, signera simplement des lettres J.A.C. Le 2 novembre 1888, il propose une bien courte Causerie d’automne.

L’année 1888 qui dans soixante jours bientôt ne sera plus qu’un souvenir d’un passé humide, laissera dans l’histoire de notre météorologie une page chargée de nuages, de vents, d’ouragans et de tempêtes.

L’hiver a été tour à tour neigeux, froid, venteux, lent, pluvieux; — le printemps tardif, langoureux, sans soleil, humide, emmailloté de brumes et de brouillards; l’été a quasi étouffé entre le printemps et l’automne qui devançant son heure, est venu le noyer dans ses pluies quotidiennes, ses froides bises, ses orages de grêle et ses averses de neige même.

Aussi les rhumes et les rhumatismes s’en sont-ils donnés à tire-larigot ! Et pour peu que les fabricants de remèdes infaillibles contre la toux, la goutte, le rhumatisme et toutes les affections généralement quelconques s’en mêlent, nos forêts n’auront pas assez de résine, de gomme de pin, de sapin, d’épinette, d’écorce d’orme rouge ou blanc pour guérir ce grand bipède toussant et crachant qui s’appelle l’homme.

Malgré l’inclémence de la saison, les menaces d’un ciel chargé de nuages, une bise mouillée à leur contact, il y a quelques jours, carabine à l’épaule, je m’enfonçais dans les profondeurs des bois.

J’ai pour les bois une tendresse de sauvage, pour leur solitude une passion d’amant, pour leurs chantres ailés un amour de musicien, pour leur mélancolie une rêverie de poète.

Au milieu des bois, je sais, je sens que nul n’est plus grand, que nul n’est plus petit que moi. Je puis abattre l’orme géant qui lui-même peut m’écraser dans sa chute, je puis foudroyer l’ours le plus fort qui à son tour peut me dévorer en un instant si ma balle manque sa destination.

 

L’illustration intitulée «Aventure de chasse» est de Paul Caron. Publiée dans Le Monde illustré du 3 novembre 1900, on la retrouve sur le site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, au descripteur «Forêts».

Paul Caron (1874-1941), de son vrai nom Paul Archibald Caron, aquarelliste, dessinateur, fut l’élève de William Brymner (1855-1925), Maurice Cullen (1866-1934) et Edmond Dyonnet (1859-1954), et il a longtemps été illustrateur à La Presse et au Montreal Star.

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