L’automne qui inspire
Nous avons déjà parlé de l’avocat et journaliste Gonzalve Desaulniers (1863-1934). Il a fait partie de cette poignée de membres de l’École littéraire de Montréal. D’ailleurs, parlant de ce rassemblement, nous avons publié sa «Chanson des bois», disant que l’auteur, à la plume romantique, aime s’inspirer d’Alfred de Vigny et d’Alphonse de Lamartine, ces deux poètes français. Le voici ici avec une de ses œuvres de jeunesse. Il a 21 ans et sans doute est-il fort heureux de voir paraître, le 31 octobre 1885, à la une de L’Étoile du Nord (Joliette) son poème intitulé «Automne».
Automne
Sur le mont, là-bas, tous les arbres
Se dépouillent de leurs atours
Qui s’en vont recouvrir les marbres
Des tombeaux aux sombres contours.
Les collines deviennent blanches;
Le ciel d’azur se fait plus gris;
Et les petits hôtes des branches
Remplissent les airs de leurs cris.
Qu’est-ce donc qu’apporte l’automne
Dans les plis de son manteau noir ?
Que dit sa plainte monotone
Aux vieilles tours quand vient le soir ?
Pourquoi la tendre violette
Qui charmait souvent nos ennuis
Ne fait-elle plus sa toilette
Au sortir de ces longues nuits ?
Ah ! c’est que déployant ses ailes
Le froid hiver va revenir
Chasser les hirondelles
Que d’autres cieux voient accourir.
Le temps des illusions passe,
Tout reprend sa réalité,
Et souvent le moindre vent casse
Plus d’un grand chêne à tort vanté.
Mais laissons là, mon adorée,
La nature avec ses frimas,
Que nous importe la durée
Ou la rigueur de ses climats.
N’avons-nous pas un coin de terre
Où le soleil reluit toujours
Pour y couler dans le mystère
Les folles heures des amours.