«Le moustique»
Au fil des siècles, les insectes piqueurs ont beaucoup fait souffrir les bêtes, y compris nous-mêmes, bien sûr. Dans son ouvrage Le Monde fascinant des insectes (Québec, Éditions MultiMondes, 2011), l’entomologiste Jean-Pierre Bourassa écrit : «Les moustiques, mouches noires, taons et brûlots accompagnent les humains depuis toujours. Ils étaient déjà bien associés à la vie de préhominiens du berceau africain ainsi qu’à celle de nos lointains ancêtres qui suivirent. Les campements et abris de fortune où se réfugiaient ces derniers pour se nourrir et dormir étaient des lieux de prédilection, notamment pour les moustiques, qui y retrouvaient les conditions requises, mais aussi des hôtes très accessibles.»
Le Québec n’a pas échappé à leur présence. Et, le 2 septembre 1892, le journal La Tribune y va, comme d’autres à l’occasion, d’un article sur «Le moustique».
Voilà une personnalité qui est de toute saison et dont il est à propos de parler.
C’est un insecte qui fait pester les gens par les temps qui court ! Peu de personnes ont cependant observé cette bruyante et lancinante ennemie des humains. Nous parlons au féminin, car les naturalistes — ces gens qui étudient les petites comme les grosses bêtes — prétendent que c’est la «maringouine» qui nous prodigue ces lancinantes piqûres qui nous font bondir et nous étourdit par ces énervantes chansons contre lesquelles le plus stoïque ne peut tenir.
Le maringouin, lui, est l’être le plus tranquille et le plus inoffensif du monde, ajoutent les savants.
Les maringouins sont connus partout. Le moustique, le cousin, comme on nomme le sujet de cette étude naît sur l’eau. La mère maringouine cherche quelque part une mare d’eau. Un ruisseau, et c’est là qu’elle vient déposer ses œufs.
Le rejeton de cette dame aux refrains étourdissants sort de l’œuf à l’état de larve et il se passe une trentaine de jours avant qu’il ne commence à voler. La maringouinne , moins élégante que le mâle, est condamnée à faire toute la besogne. Est-il étonnant qu’étant du sexe, elle accompagne l’accomplissement de sa tâche de tant de bruit ?
Le dard de cet insecte est plus aiguisé qu’aucun instrument connu des chirurgiens. Il n’est pas d’épiderme qui lui résiste. Les naturalistes nient que la piqûre du maringouin soit venimeuse. […]
Certains médecins prétendent que la piqûre du moustique est un préservatif contre les fièvres, ces petits voraces ne nous suçant seulement le mauvais sang qui coule dans nos veines. Une personne qui s’exposerait à leurs dards et les laisserait opérer sans se gratter après serait assurée de se bien porter.
L’insecte ci-haut n’est pas à proprement parler un maringouin. Le maringouin est du sous-ordre Nematocera, de la famille des Culicidae, alors que cet insecte-ci est du sous-ordre Brachycera, de la famille Tabanidae, dont on compte quelque 350 espèces aux États-Unis et au Canada. Celui-ci serait précisément le Chrysops frigidus.
Dans son guide d’identification Les Insectes du Québec (Saint-Constant, Éditions Broquet, 2007), l’entomologiste amateur Yves Dubuc écrit à au sujet des tabanidés : «On donne les noms de «Frappe-à-bord» et de «Mouche à chevreuil» aux petites espèces du genre Chrysops. Les grands tabanidés sont les taons. Ces insectes sont très communs dans les champs, les tourbières et dans les clairières durant le jour. La femelle pique les mammifères et les oiseaux pour boire le sang qui nourrira les œufs qu’elle porte dans son abdomen.»