Plus de musique sur la Terrasse
Le 7 août 1889, Marchadec (nom de plume de l’avocat Charles DeGuise), fort déçu qu’il n’y ait plus de musique sur la terrasse Dufferin, à Québec, y consacre une partie de sa chronique dans L’Union libérale.
La musique soulage l’âme. Ça c’est vrai, mais quoi de plus désolé qu’un estrade musicale sans musique et sans musiciens ? C’est pourtant ce qu’on voit tous les soirs sur la Terrasse. Les concerts sont finis, faute de fonds. Les musiciens ne veulent plus souffler gratis dans leurs cuivres pour le seul plaisir d’amuser les badauds. Ils ont mis leurs instruments au clou et les badauds ne voient rien venir. L’hiver et même l’été, mes concitoyens s’étouffent à la salle de musique pour entendre chanter et jouer des morceaux très ennuyeux et dans la belle saison chacun refuse énergiquement de contribuer à avoir de la jolie musique qu’on écoute en fumant des cigarettes et en regardant le fleuve.
Les concerts sur la Terrasse étaient ma dernière consolation. Elle est partie. Ce n’est qu’une épreuve de plus dans ma vie, et, ma foi, j’ai eu tant de vicissitudes que j’y suis maintenant habitué.
C’est fort heureux pour moi, je vous assure. Je sais bien ce que je vais faire; je vais m’acheter un instrument de musique pas difficile. Avec ça, je narguerai la ladrerie de mes concitoyens et la petitesse d’âme de tous les musiciens du monde et je me donnerai des concerts qui satisferont mon goût bien connu pour la musique.