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Épisode dans la longue marche du droit de vote et d’éligibilité pour les femmes

Dieu qu’il en a fallu du temps pour que les femmes ait le droit politique de vote et d’éligibilité ! Il nous faudra assurément revenir sur le sujet.

Mais d’abord. À l’été 1904, il se tient à Berlin une conférence internationale féminine où on évoque la création d’une fédération mondiale du suffrage féminin. Et voilà que, dans L’Album universel du 16 juillet 1904, le chroniqueur Louis. D’Ornano y va de ce propos.

Comme je sais que je m’aventure, sinon aux abords d’un guêpier, au moins près d’une ruche, non totalement peuplée de mélipones américaines, je serai circonspect et pèserai mes paroles. Cela me sera d’autant plus aisé, que je suis un ami sincère du féminisme, et demeurerai tel, tant qu’il ne foulera pas de parti pris les plates-bandes où fleurit le bon sens.

Hélas ! apparemment, ça se gâte déjà dans le monde où la plume a remplacé le crochet à dentelle de nos grand’mères.

Parmi une série de vœux, définis en des articles tendant à développer l’embryon de la Fédération sus-nommée; le suivant, qui fait litière de l’article du code civil, d’après lequel la femme doit obéissance à son mari a particulièrement attiré mon attention. Je cite :

Le droit de disposer de soi-même au foyer et dans l’état est le droit irréductible de tout adulte normal «et pas plus que la femme isolée ne doit obéissance à l’homme isolé», la totalité des femmes ne doit obéissance à la totalité des hommes, qui seuls détiennent jusqu’à présent le pouvoir législatif».

Voilà qui est clair. Aussitôt après avoir réclamé le droit de participer au suffrage universel, nos charmantes sœurs lèvent leurs boucliers, d’un dextre tour de main retroussent leurs jupes et… se lancent dans la mêlée. Logiques jusqu’au bout, elles réclament l’éligibilité, et, comme elles sont la majorité — voyez les statistiques — tout bonnement ces dames aspirent à renverser les pouvoirs établis et, sans doute, à les monopoliser. Or, dussé-je provoquer une petite moue chez les aimables propagatrices de ces doctrines, moue qui, je veux le croire, leur irait à ravir, je prétends que jamais il n’en sera absolument ainsi qu’elles le désirent.

Ce n’est pas que j’attribue moins de qualités morales aux femmes qu’aux hommes, non certes, même, je voudrais les voir brandir de plus en plus les sceptres de la bonté et de la grâce, ces deux puissances suprêmes auxquelles elles ont un droit absolu et qui nous jettent à leurs pieds; mais ce que je leur refuse : c’est de tenter de renverser les lois physiologiques naturelles.

Malgré toutes les utopies que l’on débite au sujet de la disparition quasi totale de la guerre, malgré tous les efforts que l’homme fera dans ce sens, pour la plupart les savants affirment que ce terrible fléau du genre humain ne disparaîtra qu’avec ce dernier.

Si donc, è perpétuité, la force doit primer le droit, il est rationnel de penser que l’homme persistera à jouer son vilain rôle d’oppresseur de la femme, en vertu de la force physique, à lui dévolue par la nature. […]

Foin ! tout ceci est bien méchant et va peut-être trop loin. Aussi, je souhaite que le petit dieu malin que l’on sait s’en mêle et que, comparse de rigueur dans la comédie humaine, il continue à unir, comme il l’a fait jusqu’ici, la beauté et la force.

Si le torchon brûle à la surface de notre misérable planète, éteignons-le avec les larmes du sentiment, et non avec celles d’une rage insensée, puisée dans le paradoxe et les sophismes pernicieux.

Depuis Eve jusqu’à Louise Michel, l’homme marié eut conscience des querelles de ménage; quant au célibataire, il analysait et analyse, avec crainte, la prescience qu’il a de ces orages entre quatre murs; orages qu’un souffle pacifique dissipe généralement entre le crépuscule et l’aurore.

De ce que j’ai dit plus haut, faut-il augurer que le nouveau mal doive se généraliser sous un ciel sans zéphyr ? Espérons que non, travaillons à mater sa fièvre dès son début, et pour cela faisons appel à la sage raison de nos sœurs généreuses, exemptes de névroses et de folles ambitions.

 

On voit ci-haut le monument en hommage aux femmes québécoises en politique, un bronze du sculpteur Jules Lasalle, dévoilé le 5 décembre 2012 le long de la façade sud de l’édifice de l’hôtel du Parlement, sur la Grande Allée à Québec. À gauche, on retrouve les battantes Idola Saint-Jean, Marie Lacoste-Gérin-Lajoie et Thérèse Forget-Casgrain qui ont milité pour le droit de vote et d’éligibilité des femmes; à droite, voilà Marie-Claire Kirkland, première femme élue au Parlement du Québec. Voir ce site de la Commission de la Commission de la capitale nationale du Québec. Photographie d’Anne-Marie Gauthier.

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