Éloge du mois de mai
Le 20 mai 1899, un quidam se sentant plein d’allant se lance dans l’éloge du mois de mai. Discours bien de ce temps, il paraît dans l’hebdomadaire L’Écho des Bois-Francs.
Dans notre beau Canada, l’arrivée du mois de mai est l’annonce du retour du printemps, de l’épanouissement de tout dans la nature. Depuis des semaines déjà, la terre s’est dépouillée de son blanc manteau d’hiver, mais elle était restée grise et terne; les arbres paraissaient encore nus et tristes et les bocages étaient silencieux.
Avec le mois de mai, tout renaît à la vie, tout prend des couleurs, tout bruit et chante autour de nous. Qu’il est heureux celui qui vit à la campagne et qui peut être témoin de toute cette merveilleuse transformation. Chaque jour, chaque matin, il lui est donné d’admirer ce travail de la nature, les champs devenant de plus en plus verts, les arbres se couvrant du plus épais feuillage, les bocages retentissant davantage des voix des oiseaux que la Providence y ramène chaque printemps pour charmer l’oreille de l’homme.
Que de contentement, nous osons dire de délices, à voir croître le brin d’herbe, se développer le bourgeon, s’ouvrir la corolle de la fleur. Et cette jouissance, elle ne dure pas seulement un jour, mais elle se prolonge jusqu’aux derniers beaux jours d’automne. Le laboureur plante et sème, et ce plant et cette semence, le Créateur, qui se fait en quelque sorte le collaborateur de l’homme des champs, se charge de la faire croître. C’est lui qui donne les fruits et fait mûrir les moissons.
Comment donc le cultivateur peut-il se décider de s’éloigner de sa ferme, à dire adieu à la belle campagne, à ses bois pleins d’ombrages, à ses vertes prairies, à ses senteurs parfumées et vivifiantes pour aller chercher du travail à la ville, pour aller respirer l’air malsain de l’usine. Ne trahissons pas la confiance qu’ont mise en nous nos ancêtres; ils ont travaillé, ils ont combattu pour nous conserver ce sol de la Nouvelle-France, cette patrie que nous aimons pourtant, mais que nous abandonnons trop souvent sans motif.
Montrons-nous dignes d’eux, et, si nous ne pouvons nous attacher à ce sol par goût, au moins faisons-le par devoir.