Une bien grande découverte
Quand donc, dans l’histoire du monde, a-t-on eu l’impression que vraiment le temps s’accélérait ? Sans doute à plusieurs époques. Ma mère, toujours là, est née avec la voiture à cheval, alors que nous nous apprêtons à partir bientôt pour Mars. Accélération, dites-vous.
En 1900, on s’exclame à l’occasion : « Quelle formidable époque nous vivons ! » Et je comprends qu’on prenne alors conscience de l’accumulation soudaine de découvertes fort variées, qui annonce le siècle à venir dans plus d’un domaine. Un peu comme aujourd’hui, d’ailleurs, avec la révolution de la télécommunication. Ce matin, sur ce site, j’aperçois un visiteur de Brisbane, un de Montmagny, un de Canet-Plage, un de Fredericton, un de Nador, un de Wabush, un de Sainte-Julie, un d’Alger, un de Pont-Rouge, un de Paris, un de Biskra, un de Cernay, un de Veracruz, un de Khouribga, un de Toulon, un de Joliette… Accélération, dites-vous. Il me faut même fouiller sur la Toile pour savoir ce que sont certains de ces lieux.
Le 29 février 1896, sous le titre «Une découverte photographique», l’hebdomadaire montréalais Le Monde illustré exulte.
Une découverte sensationnelle nous arrive d’Allemagne, et qui est appelée à produire une impression profonde dans le monde médical, est celle faite par le professeur Rœntgen, de l’université de Wurtzburg, sur les effets remarquables des radiations non lumineuses émises par un tube de Crooke, autrement dit un tube Heissler, dans lequel la raréfaction de l’air a été poussée aussi loin que possible.
D’après cet observateur, des radiations jouissaient de la propriété d’impressionner les plaques photographiques, et, de plus, les substances opaques pour les rayons lumineux ordinaires sont transparentes pour elles et vice-versa. Le verre, par exemple, protégerait la pellicule sensible contre l’action de ces rayons, alors que le bois, le charbon, l’ébonite, etc., se laisseraient traverser et ne gêneraient en rien leur effet sur cette même pellicule. Tous les métaux seraient plus ou moins opaques pour ces rayons à l’exception de l’aluminium, qui posséderait vis-à-vis d’eux une transparence analogue à celle du verre pour les rayons lumineux ordinaires.
Mais ce qui rend la découverte particulièrement intéressante et explique l’émotion causée par la communication du professeur Rœntgen, c’est que les tissus musculaires et le sang sont à peu près complètement translucides pour ces rayons, tandis que les os sont opaques, ce qui a permis, par exemple, à l’observateur d’obtenir une photographie très nette de la structure osseuse de la main. […]
M. Rœntgen a réussi de même à prendre des photographies de divers objets renfermés dans une caisse en bois; une bourse en cuir, contenant des pièces de monnaie, a donné sur la plaque sensible l’impression d’une buée au travers de laquelle on distinguait nettement les pièces métalliques.
Les applications de cette découverte sont évidemment fort nombreuses. En particulier en ce qui concerne la chirurgie, il sera aisé, par exemple, de faire la photographie d’une balle ayant pénétré jusqu’au plus profond des tissus, et de déterminer, par conséquent, sa position exacte, sans mettre le chirurgien dans la nécessité d’imposer au blessé les souffrances qu’entraînent habituellement les recherches de ce genre. De même il sera possible d’obtenir par ce procédé les indications les plus précises sur la nature et les dimensions d’une fracture, d’une nécrose, etc.
Dans un autre ordre d’idées, les vêtements pas plus que les murs n’étant un obstacle à la transmission des rayons, il sera possible de photographier le squelette d’une personne ou simplement le contenu de son porte-monnaie, si toutefois elle veut bien se prêter à l’expérience. […]
M. Rœntgen fait construire actuellement des lentilles en aluminium, ébonite, souffre, etc., dans le but de rechercher s’il est possible de les concentrer, c’est-à-dire de les dévier de la direction normale à la surface d’émission. Le fait qu’elles sont capables d’impressionner une plaque sensible de la même façon que les rayons solaires lumineux ordinaires et que l’image produite peut être développée par les mêmes agents chimiques, tend à prouver qu’il y a une certaine analogie entre elles et ces rayons.
On aura compris que le physicien allemand Wilhem Röntgen (1845-1923) vient de découvrir les rayons X, une bien grande date dans l’histoire humaine, qui lui vaudra le prix Nobel de physique en 1901. Et on constate que, dès le départ, on entrevoit les effets d’une pareille découverte dans l’univers de la médecine. Et, au 20e siècle, le métier de radiologiste deviendra un des plus valorisés.
Le 21 mars 1896, L’Écho des Bois-Francs écrit : «Le cour du Banc de la Reine, division de Montréal, sera le premier tribunal dans le monde entier où on appliquera comme moyen de preuve le procédé Roentgen pour photographier les corps invisibles. On fera l’application du nouvel appareil scientifique dans la cause de Soison Cummings qui a reçu une balle de revolver dans la jambe la veille de Noël, sur la rue Dominion. Afin de définir la position de la balle dans la jambe de la victime, il a été nécessaire de se servir du nouveau procédé du Dr Roentgen.»
La radiographie de la main gauche, avec bague à l’annulaire, est un document qu’utilisa Röntgen lors d’une conférence qu’il prononça le 23 janvier 1896. Elle apparaît sur cette page Wikipédia consacrée à Röntgen.
La science et la technologie va très vite. Je suis moi-même de l’époque des voitures à cheval. D’un tout petit village ou les chemins fermaient l’hiver. La communication entre les gens était très difficile. Je pense que tous ceux aujourd’hui qui jouissent de cette avancé technologique devrait savoir qu’il n’y pas si longtemps l’électricité n’existait pas et que nos grands mamans lavaient le linge avec une cuve et une planche à laver.
Tout ça me fait beaucoup réfléchir…Il y a du bon c’est certain mais jusqu’ou peut-on aller?
Il sera difficile de retenir les avancées, chère Nicole. Et il faudrait peut-être davantage travailler sur la bête humaine.