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Zotique le héros

En 1900, la ville rend le cheval nerveux. J’en parlais en janvier dernier. Soudain, pour une raison ou une autre, la bête part à la belle épouvante. Et le seul moyen de le calmer alors, c’est de lui sauter au cou. Certains urbains le savent. En voici un, Zotique Saint-Michel, qui connaît la façon de faire, mais il faut être fort audacieux.

À la une, le 4 octobre 1904, le quotidien montréalais La Presse raconte son histoire sous le titre Un cheval à l’épouvante.

 

Un brave ouvrier canadien-français de cette ville s’est signalé, hier après-midi, par un acte de bravoure dont il faut le féliciter en attendant qu’on le récompense d’une manière plus efficace.

Voici comment un des témoins de cet acte téméraire, M. Narcisse Beauchamp, nous racontait, hier soir, l’action d’éclat de M. Zotique Saint-Michel, mécanicien, domicilié rue Ontario, 1437 :

Vers cinq heures, nous descendions, Saint-Michel et moi, la rue Saint-Marc, lorsqu’en atteignant la rue Sainte-Catherine, nous vîmes arriver derrière nous, dans une course désordonnée, un cheval tout harnaché, traînant à sa suite un palonnier de voiture. Il allait atteindre la rue Sainte-Catherine, qui, à ce moment, était bloquée par un tramway, et par plusieurs voitures et de nombreux piétons, quand pressentant un danger imminent, mon compagnon s’élança bravement au-devant de la bête affolée. Saint-Michel se suspendit au cou de l’animal, qui le traîna jusqu’au coin de la rue.

À cet endroit, la bête s’arrêta, retenue qu’elle était par un bras de fer. Un gros policeman, témoin impassible de l’action d’éclat de notre « canayen », s’élança avec quelques autres personnes au secours de Saint-Michel, qui avait reçu de fortes contusions aux jambes. Un des spectateurs, après l’avoir félicité de son acte téméraire, lui conseilla de se rendre à l’hôpital, faire panser ses blessures.

« Allons, allons, dit Saint-Michel, pensez-vous qu’un Canayen va à l’hôpital pour si peu de chose ! »

M. Beauchamp, en racontant ces faits, déclara qu’un instant il crut que son compagnon allait être tué.

Le cheval, qui avait pris le mors aux dents, fut conduit au poste de police No 10 où le capitaine James Clarke le retint jusqu’à l’arrivée du propriétaire.

La bête avait fait des siennes, comme on l’apprit par la suite.

Il traînait quelques minutes auparavant une voiture montée par M. Walter Gurd, 65 avenue du Collège McGill, et par sa sœur, Mlle Muriel. La voiture descendait la Côte-des-Neiges, lorsque, près de l’avenue Cedar, M. Gurd descendit pour arranger un des traits du cheval. Ce dernier s’épeura et prit le mors aux dents. Dans un élan furieux, la bête alla donner contre un poteau téléphonique. La voiture fut mise en pièce et Mlle Muriel Gurd fut violemment projetée sur la route.

Pendant que le cheval continuait sa course, on relevait la blessée qui fut transportée par une voiture d’ambulance à l’hôpital Victoria.

Mlle Gurd est actuellement dans un état critique. On craint une congestion cérébrale.

M. Zotique Saint-Michel, dont nous parlons plus haut, n’en est pas à son premier acte de bravoure. L’an dernier, au coin des rues Craig et Bleury, il se jetait au-devant d’un cheval qui venait de prendre le mors aux dents. Dans la voiture se trouvaient quatre enfants. M. Saint-Michel reçut du propriétaire du cheval une digne récompense.

Pendant la procession de la fête du Travail, cette année, un cheval prit le mors aux dents, rue Saint-Denis, au coin de la rue Dorchester. Il allait couper la fanfare du 65e bataillon, quand, se détachant du groupe de miliciens, notre brave ouvrier le maîtrisa.

Où trouver ailleurs que chez ces rudes travailleurs une aussi froide bravoure ?

M. Saint-Michel est un brave père de famille. C’est un des musiciens de fanfare les mieux connus à Montréal.

Son action d’hier soir a, selon lui, une portée bien ordinaire, mais aux yeux des citoyens, elle est digne de louanges et de récompense.

 

L’attelage ci-haut est une création de Marcel Gagnon, un artisan de Saint-Nicolas, dans la région de Lotbinière.

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