La Mésange à tête noire
Comment donc se fait-il qu’après plus de 700 billets, je n’ai pas encore parlé de livres de sagesse et de la Mésange à tête noire ? Les livres de sagesse, j’y viendrai bien sous peu. Mais place enfin à la mésange [Parus atricapillus, Black-capped Chickadee].
Quelle petite bête magnifique ! Elle m’accompagne à l’année, toujours enjouée, dirait-on. Mais je me tais. Voici plutôt ce qui, sauf erreur, serait le premier texte publié sur l’oiseau écrit par un Québécois, James MacPherson LeMoine. Il paraît en 1861 dans le tome II de son Ornithologie du Canada. L’auteur ouvre son propos avec une épigramme. Ces premiers ornithologues sont d’abord des poètes, avant que d’être des scientifiques.
« Je suis le compagnon
Du pauvre bûcheron.
* * *
Je le suis en automne
Au vent des premiers froids;
Et c’est moi qui lui donne
Le dernier chant des bois. »
Voilà un oiseau bien connu de tous.
Qu’es-tu ? répète l’enfant, après son amie la Mésange à tête noire, dont le cri ressemble à ces mots. Active, allègre, querelleuse, presque à l’épreuve du froid, la Mésange n’est jamais plus gaie que lorsque la température est si froide que l’homme regagne à la hâte son toit hospitalier. Son parcours s’étend jusqu’à la Baie d’Hudson. Sa chansonnette est plutôt un doux gazouillement, qu’un chant proprement dit. Elle fréquente le voisinage des habitations l’automne et l’hiver, temps où elle quitte les bois francs, pour se nourrir de la graine des pins. Les Pics minulles [Pic mineur, Picoides pubescens, Downy Woodpecker], les Grimpereaux, les Nuthachts, tels sont ses compagnons de voyage; l’analogie des habitudes établit des rapports d’amitié et crée une véritable entente cordiale entre ces oiseaux.
En mai*, elle s’approprie le trou creusé dans un arbre par un Pic, ou par un écureuil : quelquefois même avec une rare assiduité, elle se préparera elle-même un réceptacle pour ses œufs, qui sont au nombre de six, marqués de petits points roux. Jeunes et vieux se tiennent ensemble en hiver et scrutent en corps les trous des arbres, commençant à la racine pour s’y procurer les larves et les insectes qui cherchent un abri sous l’écorce. Amie sincère du cultivateur, la Mésange à tête noire n’oublie pas les vergers, dont les arbres reçoivent périodiquement sa visite épuratrice.
La Mésange à tête noire est un des derniers amis que le bûcheron du Canada rencontre dans la forêt. La peinture du Rouge Gorge de France lui convient à bien des rapports. « Quand, par les premières brumes d’octobre, un peu avant l’hiver, le pauvre prolétaire vient chercher dans la forêt sa chétive provision de bois mort, un petit oiseau s’approche de lui, attiré par le bruit de sa cognée; il circule à ses côtés et s’ingénie à lui faire la fête, en lui chantant tout bas ses plus douces chansonnettes. C’est le Rouge gorge qu’une fée charitable a député vers le travailleur solitaire pour lui dire qu’il y a encore quelqu’un dans la nature qui s’intéresse à lui.
Quand le bûcheron a rapproché l’un de l’autre les tisons de la veille engourdis dans la cendre; quand le copeau et la branche sèche pétillent dans le flamme, le rouge gorge accourt en chantant, pour prendre sa part du feu et des joies du bûcheron.
Quand la nature s’endort et s’enveloppe de son manteau de neige; quand on n’entend plus d’autres voix que celles des oiseaux du Nord, qui dessinent dans l’air leurs triangles rapides, ou celle de la bise qui mugit et s’engouffre au chaume des cabanes, un petit chant flûté, modulé à voix basse, vient protester encore au nom du travail créateur contre l’atonie universelle, le deuil et le chômage. »
Voilà bien les traits, croyons-nous, mais sous un autre nom, de l’amie du bûcheron canadien.
Le mâle a le cou, le sommet de la tête noirs, entrecoupé d’un espace triangulaire de blanc, qui se termine à la narine; le bec est noir et court; le reste des parties supérieures, couleur de plomb et cendrées, tachetées d’un peu de brun; les ailes sont frangées de blanc; la poitrine, le ventre blanc jaunâtre; les pieds d’un bleu clair; les yeux couleur de noisette foncé. La femelle ressemble fort au mâle. Les Anglais l’appellent Chicadee à cause de la ressemblance de son cri Chicadee-dee-dee à ses mots.
* M. Nairne, seigneur de La Malbaie, signale un fait si extraordinaire sur le compte de ces oiseaux, que nous lui en laisserons la responsabilité. C’est la découverte, à La Malbaie, le premier février 1858, d’un nid de Mésange dans un arbre que ses employés abattirent dans la forêt; trois jeunes oiseaux tombèrent sur la neige où le froid les fit bientôt mourir. Les bûcherons les emportèrent à M. Nairne, qui certifie le fait de la manière la plus positive : ceci nous paraît sans précédent au Canada.
Bonjour,
Comme votre billet me fait plaisir ! Pour moi, ce merveilleux petit oiseau représente l’hiver. Je me permets de vous faire partager, ainsi qu’à vos lecteurs, un bref extrait de mon histoire divers et singulière, Tant d’hivers. À la recherche d’un éditeur.
« Le chant mélodieux des mésanges devint l’hymne de mes hivers. Elles lançaient « tchikh-a-di-di » dans un air glacial d’aucune influence sur leur vivacité. Ou sifflaient-elles « di-di-di »? Qu’importe. Il rythmait tant leur vol ondulé que le temps passé sur une branche, perchées à guetter ou à discuter ferme. Une énième prise de bec dans les conifères, et toujours pour le même litige : à qui le tour de s’asseoir au comptoir d’une mangeoire?
Les tonalités de ces petits plumeaux nerveux ajoutaient une couleur supplémentaire aux matins « bleu-blanc-rouge ». Sous un ciel vierge de nuages, sur une neige fraîche exempte de traces, au pied du toit silencieux, je préparais ma glissade au bas d’une pente. »
Merci infiniment, cher François, de ton riche témoignage. Bien beau dimanche à toi.
Quel beau texte. Encore merci pour ces belles trouvailles.
Merci, merci, merci, chère Vous. Bien beau dimanche dans votre coin de pays !
Fidèle amie de nos promenade en forêt!