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Coquineries

D’abord : Âmes chastes et pures, s’abstenir.

Je sors de ma librairie. Pour une poignée de dollars, j’y ai trouvé un tout petit livre, une centaine de pages, Le goût des haïku, paru voilà quelques semaines chez Mercure de France, proposant des textes choisis et présentés par Franck Médioni.

J’aime beaucoup les haïku, très courts poèmes de 17 syllabes, constitués de trois vers de 5, 7 et 5 syllabes. Hérité de la poésie chinoise du 1er millénaire, le haïku a pris sa forme actuelle au 17e siècle, au Japon.

Comme l’écrit Médioni, le haïku saisit en un instant le merveilleux tapi au cœur de l’ordinaire, l’absolu au cœur du relatif, le sacré au cœur du quotidien. « Ils n’annoncent aucune lumière au-delà de leur propre radiance. […] Le haïku ne s’explique pas. Sa puissance est dans le non-dit. Il laisse libre cours à la pluralité des sens. Pensée fugitive fossilisée ou stèle irradiée, marquée par la grâce, la sérénité, la délicatesse, il s’impose tel quel, en majesté. »

Pour moi, le haïku est une toute petite étoile filante de quelques mots, la lumière d’une luciole dans la nuit, à la fois le début et la fin d’un instant. Il s’attache à saisir l’insaisissable dans l’éphémère. Pour le lecteur, il est, ou non, porteur de sens. Simplement, le haïku est.

Empreint d’esprit zen, surtout connu sous le mode des saisons, il offre un vaste champ de thèmes, de registres. Pour son petit ouvrage, Médioni a choisi quatre avenues : les saisons, la vie humaine, Éros et la nature. Promenons-nous aujourd’hui parmi ses haïku érotiques.

 

Avec quelle ardeur
Tu peux enchaîner, s’exclame
L’épouse ravie

Un vit* colossal
en l’absence du mari est
venu en visite

Quand il dresse son mât
l’épouse s’empresse alors
de prendre la barre

À une jeune veuve
des larmes de pure extase
il a fait verser

La corne de buffle
peut-elle s’y comparer, dit
la dame au mignon

Prenez-le en main
pour voir s’il est à point, dit
la dame du palais

Charmée par son nom
la belle-mère avale goulument
l’onguent de longue vie

La bonne de la veuve
dans quelque bureau du temple
brise les vœux d’un moine

Et toutes les femmes
dès lors qu’elles entrent en extase
crient d’une voix plaintive

Certaines épouses
d’un vit dégoulinant ont
quelque répulsion

Guerrier en armure
lorsqu’entre les cuisses il entre
quelle succulence

Quand à sa femme il fait
tourner le mortier à thé,
elle désaxe tout

Le gendre adopté
dégainant sans permission
se fait rabrouer

Funeste désastre
quand la vérole de l’amant
repasse au mari

C’est bien naturel
celle du mari ayant chu,
qu’elle en cherche une autre

Je l’ai tuée d’extase,
dit-il à sa seconde femme
pour l’effaroucher

Cadeau au mari
comme une galette de millet
bien chaude et humide

À l’oreille de l’épouse
endormie viennent les cris de
la bonne en extase

Aux pauvres mignons
les voraces veuves en font voir
de toutes les couleurs

Aux maisons de thé
la veuve est comme un serpent,
et l’homme comme un moustique

De ses propres doigts
comme s’il était encore présent,
la veuve en extase

Un mat bien dressé
elle vous le recouche bien vite
la nonne en bateau.

* Forme vieillie pour désigner le pénis.

Ces haïku, précise-t-on en référence, sont extraits de l’ouvrage Haïku érotiques, Éditions Philippe Picquier, 1996, traduction du japonais et présentation par Jean Cholley.

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