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Rencontre avec une dompteuse de puces

Vous le saviez, vous, qu’au début du 20e siècle, on trouve en France et en Belgique des dompteurs de puces ? Stenegry tient son Salon des puces savantes. Roloff fréquente les fêtes foraines avec ses puces. Le professeur Schmidt propose son théâtre de 200 puces dressées.

La Patrie du 24 mai 1905 propose une entrevue avec Emma Stenegry.

 

Mme Stenegry est dompteuse. Pour tout dire, elle ne tente point par la fascination du regard et l’ampleur des gestes de faire ramper à ses pieds de farouches et souples fauves. Depuis bientôt dix ans, Mme Stenegry dompte des puces. Pour peu périlleuse que soit cette tâche, elle n’en est pas moins délicate. Un chroniqueur l’a appris de la bouche même de la dompteuse, à la foire au pain d’épices, dans le Salon des puces savantes, lequel dresse, place de la Nation, à Paris, une architecture fragile et flamboyante.

Assise derrière une longue table, dit le chroniqueur, Mme Stenegry me reçut en femme consciente de sa valeur personnelle, sans pourtant négliger de me prodiguer des marques d’affabilités du meilleur aloi.

J’en fus touché. Mais mon impatience était grande de voir les pensionnaires de la dompteuse, bien qu’une certaine appréhension d’épiderme se mêlât à ma curiosité.

Tout à coup, Mme Stenegry heurta d’un coup sec la planchette de la table. Et voici que des voitures, des petits canons, des locomotives minuscules, en carton doré, se mirent à rouler par rapides saccades.

Mon hôtesse me tendit un microscope et je vis que ces véhicules étaient mus par des puces agiles, dont le corselet s’entourait d’un fil de laiton d’une extrême ténuité, auquel était attaché un autre fil qui reliait la bestiole à son fardeau.

Comme je m’émerveillais, Mme Stenegry m’interrompit :

Ce n’est rien, dit-elle.

Et je compris qu’elle avait raison lorsque je vis d’autres puces, installées dans un chariot, boucler la boucle, tobogganer, et faire mille gentillesses.

Comment parvenez-vous, madame, m’écriai-je, à monter ainsi vos puces sur du laiton ?

Mme Stenegry prit un air important.

Cela, répondit-elle, est fort compliqué. Je me sers de toutes petites pinces, d’instruments microscopiques, et il me faut au moins trois quarts d’heure pour réussir. Parfois même, il arrive que je tue mon sujet, ce qui me cause un profond ennui, car je dois alors me procurer d’autres insectes, chose difficile.

Difficile ? Il me semble pourtant…

Erreur, monsieur, erreur, les belles puces vivantes, nourries de sang vigoureux, sont rares. Je ne veux point de celles qui vivent sur les animaux…

Seraient-elles moins intelligentes, insinuai-je.

Non, répliqua sèchement Mme Stenegry, mais elles ne vivent pas longtemps, et puis cela n’est pas propre. Aussi achète-je les puces un franc la douzaine. Et je me recommande à toutes les personnes qui en font, ajouta-t-elle en attachant sur moi un regard solliciteur et engageant.

Je demeurai froid.

J’ai déjà des élèves qui ne sont point encore «préparées», reprit la dompteuse, en me montrant un bocal dont la vue me causa un vague malaise. En liberté, elles vivent deux ans environ, tandis qu’elles ne peuvent travailler plus de deux mois. Cela me donne bien du tracas.

Et que donnez-vous en pâture à ces intéressants animaux ?

Vous allez voir… Marie ! appelle Madame Stenegry.

Un rideau se lève. Une femme triste apparut. D’un geste habituel et résigné, elle retrousse l’un de ses manches et laissa à découvert un bras moucheté d’innombrables plaques rouges. La dompteuse prit la petite voiture, la locomotive, le canon et les plaça sur le bras offert. Les puces s’immobilisèrent.

La femme restait impassible.

Comment pouvez-vous, m’exclamai-je, supporter ainsi plusieurs fois par jour la morsure de ces insectes ?

Marie me regarda d’un œil pur :
Je les aime, fit-elle simplement.

 

Vous savez, la grande exigence d’un pareil site à un article par jour, c’est l’image. Aujourd’hui, où trouver une dompteuse de puces ? Alors, faute de dompteuse, pourquoi pas une scène du marché aux puces de mon quartier, qui se tient un jour par an, le premier samedi de juin ? Bric-à-brac.

2 commentaires Publier un commentaire
  1. Daniel Lépine #

    De nos jours, le métier de dompteur de puces ne semble pas totalement disparu, du moins si on se fie à ce site internet :

    http://tommy-stevens.skynetblogs.be/

    Tommy Stevens est Belge et il nous présente sur ce site son Théâtre de puces savantes, en prime quelques images de puces.

    30 mai 2012
  2. Jean Provencher #

    Allez, allons aux puces alors !

    30 mai 2012

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