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« Faire carnaval »

Il y aurait long à écrire sur la notion même de carnaval. Les historiens de la langue française trouvent dans une ordonnance de 1268 des évêques de Liège, propriétaires du duché de Bouillon, là où se rencontrent la France, la Belgique et le Luxembourg, la première apparition du terme quarnivalle.

À cette époque, on définit le mot comme la «période qui va durer des Rois jusqu’au mercredi des Cendres pendant laquelle se donnent les principaux divertissements de l’hiver». Et puis, lors de la venue de Jacques Cartier et Jean-François de la Rocque de Roberval en Amérique et de la fondation de Québec par Samuel de Champlain, on emploie carneval pour désigner les «fêtes et amusements» rattachés à cette période de l’année. François Rabelais, par exemple, dans Pantagruel (1552), et son amie Marguerite d’Angoulème, sœur du roi François 1er, dans L’Heptaméron (1559), écrivent le mot ainsi. Au 17e siècle, la graphie moderne carnaval s’impose.

Cela dit, les premiers carnavals, constitués de regroupements de divertissements hivernaux autour d’un palais de glace, remontent au Québec au dernier quart du 19e siècle. Ainsi, Québec se donne un premier carnaval en 1880. Montréal fait de même et son carnaval est encore plus spectaculaire grâce à son palais de glace. D’ailleurs, contrairement à Québec, la Ville répète l’événement durant quelques années.

À Québec, les deux premiers grands carnavals qui ont fait l’histoire sont ceux de 1894 et 1896. Par la suite, les années passant jusqu’à la création du Carnaval de Québec actuel, en 1955, on se donne des activités carnavalesques, ce moment de l’année venu.

Le 21 janvier 1902, par exemple, à la une, le journal La Patrie annonce que des fêtes carnavalesques se tiendront sous peu à Québec et que les voyageurs de commerce y participeront pour en faire un succès.

Les fêtes du carnaval que l’on organise à Québec auront certainement du retentissement. Elles auront de l’éclat, si on peut en juger par les préparatifs qui se font.

Les voyageurs de commerce se sont mis à l’œuvre avec un zèle, un empressement et un dévouement qui leur font certainement honneur.

Ils auront quatre grands chars allégoriques dans la parade industrielle. Ces chars représenteront de véritables wagons de chemins de fer. Ce sera tout un train régulier. Il en est un qui sera spécialement destiné au fret, les autres seront des chars de luxe pour passagers. Les membres de l’association carnavalesque des voyageurs de commerce ont eu le bon esprit de donner à chacun de leurs chars allégoriques des noms historiques qui appartiennent à notre histoire : ce sont les noms des fondateurs des quatre principales villes de la province de Québec : Champlain, De Maisonneuve, Lévis et Laviolette; il y a de plus les noms de Frontenac, Laval, Montcalm et Wolfe.

Ces chars seront traînés par 24 chevaux parfaitement harnachés, six par char. Ces chevaux seront ornés de pompons superbes, et tenus en laisse par des écuyers.

Le capitaine Edmond Laliberté sera pour l’occasion l’agent général des passagers; M. Gaspard Huot agira comme préposé aux bagages; M. Honoré Simard remplira les fonctions de News agent, et M. Richard Dubord agira comme commis de bord. Les conducteurs ne sont pas encore choisis. Ils auront de plus à leur disposition deux wagons de l’électrique superbement pavoisés pour transporter les raquetteurs et les musiciens de la Garde Champlain.

Les membres de l’association ont aussi décidé de faire faire une immense clef d’une longueur d’au moins six pieds. Elle sera dorée et ornementée. Elle sera confiée à Son Honneur le maire Parent, qui devra la remettre à l’association, le matin même de la journée qu’on lui a spécialement destinée, pour lui indiquer qu’on lui a livré la cité. Un certain nombre de membres de l’association la transporteront sur leurs épaules jusque sur la Terrasse.

L’association a fait faire pour ses membres un insigne très original pour la circonstance. Il est en aluminium et a la forme d’un chèque. On y lit l’inscription «Carnaval de Québec, 1902», «Souvenir du carnaval 1901-1902».

L’image coiffant cet article montre le spectaculaire palais de glace du carnaval de Montréal en 1883.

Mes remerciements à Christiane Loubier, linguiste, pour les renseignements sur l’origine et l’évolution du mot carnaval apparaissant en début d’article.

J’ai rédigé un ouvrage sur l’histoire du présent carnaval de Québec, Le Carnaval de Québec, La grande fête de l’hiver, paru en 2003, aux Éditions MultiMondes et à la Commission de la Capitale nationale.

2 commentaires Publier un commentaire
  1. Christiane L. #

    Merci Monsieur Provencher.
    C’est si fascinant de lier l’histoire des mots à l’histoire tout court.

    27 janvier 2012
  2. Jean Provencher #

    Merci Madame Christiane. L’histoire se cache aussi dans les mots qui la font vivre.

    27 janvier 2012

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