Fleur de neige
À la vue d’un papillon en plein hiver, un journaliste du Soleil se sent l’âme bien poétique en ce matin du 18 janvier 1909. La scène se passe à Lévis.
Dans un texte qu’il intitule Fleur de neige, il écrit :
Douillettement, couvert d’un soyeux duvet, tout de blanc habillé comme une jeune fille qui fait ses débuts dans le monde, un pauvre papillon, fatigué de voler au-dessus de nos neiges sans trouver un lieu pour se reposer, se jetait éperdument à notre suite, hier, dans la porte de notre logis.
Sans demander au petit vagabond ailé d’où il venait par un temps pareil, quel pays l’avait vu naître, et quelle aventure il cherchait, nous lui avons donné la plus large hospitalité possible; pour couche, la corolle d’une fleur éclose à la chaleur du loyer, et pour nourriture, son suc rare.
Le pôvre, comme nous le trouvons tout transi ce matin, malgré ses fourrures d’hermine, nous l’apportons au « Soleil qui luit pour tous ». Il y trouvera peut-être les chaudes caresses qui le feront vivre jusqu’au retour des beaux jours.
Le petit messager blanc nous apporte peut-être la nouvelle d’un printemps hâtif, qu’il soit le bienvenu !
Outre la poésie, il faut peut-être comprendre dans ce texte que le journaliste habite Lévis, qu’à son départ pour le bureau, il a sans doute mis le papillon dans une petite boîte, a pris le traversier pour aller travailler et a relâché l’insecte dans les bureaux du journal, assuré d’une chaleur continue, le jour et la nuit. Les bureaux du Soleil se trouvent alors dans la côte de la Montagne, à Québec bien sûr, avec une seconde entrée rue Notre-Dame, donnant sur ce qui est aujourd’hui la place Royale.
J’aime. J’aime cet adulte qui a gardé ses rêves d’enfant, au risque qu’on s’en moque. Combien de rêves avons-nous perdus à tant devenir sérieux, à tant nous faire répéter de prendre prise sur le réel… et non plus d’imaginer ? Prévert aussi les avait gardés; ses textes, si frais, si jeunes, en témoignent.