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Que vienne la neige !

Bien oui, à l’autre bout, souvent, nous en avons assez. Quand donc cet hiver si long finira-t-il ? Mais vient un moment, quelque part en décembre, il faut l’admettre, où nous la souhaitons, la neige. Le journaliste Jacques Bonhomme tient une chronique d’humeur dans le journal La Patrie en 1899 et 1900. Le voici, à Montréal, le 5 décembre 1899, chantant l’hiver, réclamant la neige.

Hier, on s’abordait avec cette exclamation : C’est l’hiver ! Tant il est vrai qu’on s’habitue facilement au bonheur. Il faut avouer aussi que nous avons eu un mois de novembre délicieux. Le soleil, de la lumière, on se serait cru à Nice ou à Bordighiera sur le Côte d’Azur de la Méditerranée.

Mais la nature reprend ses droits bien vite et nous allons entrer dans  «le morose hiver de nos froides zones», comme dit le délicat poète Fréchette. Eh bien, croyez-moi, puisque l’hiver doit venir tôt ou tard, il est préférable que ce soit tout de suite, que de nous faire encore languir pendant des semaines. L’hiver est si beau, au Canada, qu’on vient de loin pour le voir. Nous allons entendre de nouveau le grelot sonore des trotteurs dans les rues blanches; nous verrons passer, rapides, les traîneaux élégants garnis de fourrures, dans lesquelles de belles dames très douillettement s’emmitoufleront. La loutre, le vison, le mouton de perse, le renard bleu, le chinchilla. Toute la gamme des couleurs de la faune va passer devant nos yeux charmés.

Demain les sports d’hiver feront leur apparition : les patins, le hockey et les longues glissades jusqu’en bas des côtes. Que de marchands voyant le soleil continuer à briller d’un vif éclat se demandaient anxieux devant le monceau de leurs provisions : n’aurons-nous pas d’hiver ? Le bonhomme Santa Claus ne viendra-t-il pas cette année ? Aurait-il oublié ses bons petits Canadiens, ou serait-il malade ? Mais non, il se prépare, il arrive déjà, la neige, la belle neige nous annonce sa venue.

Hélas ! l’hiver c’est bien triste aussi. Le froid, l’âpre bise qui souffle et gèle les os des pauvres gens, ce n’est pas drôle pour tout le monde. Pensons-y. Que de malheureux vont souffrir ! Que d’insouciants qui ont, comme la cigale ‘chanté tout l’été’, voient maintenant l’hiver arriver, avec angoisse.

Les travaux sont interrompus, le port est fermé : combien de sans-ouvrage seront désespérés. Mais bah ! la race est forte, habile, industrieuse, on travaillera quand même. Voici qu’arrive le temps des fournaises à chauffer, et l’armée des pelleteurs se prépare à trouver dans la neige une source de profits.

N’oublions pas aussi que grâce, à nos dirigeants, il y aura de l’occupation sur les quais avec la construction des élévateurs.

Allons, décidément l’hiver n’est pas lugubre ! Et puis, s’il y a des malades, des pauvres qui souffrent, la charité, l’inépuisable charité viendra encore à bout de toutes les misères.

Neige, joyeuse neige, tu peux venir, on t’attend.

Dans l’ensemble, ce papier de Bonhomme est bien mené, fort bien mené, je trouve. Toutefois, au sujet de la charité qui règle tout, il faudra y revenir. Quant à la cigale, Bonhomme me choque. Reprenant la fable de Jean de la Fontaine, s’inspirant d’Ésope sans doute, il est dans le champ. Aucune cigale ne chante tout l’été, bien au contraire. Un jour, je reviendrai sur la cigale. Pour lui rendre hommage.

Oui à la neige, mais honneur également à la cigale !

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