La fin du monde (deuxième partie)
Voici la suite de cet article du journal français Le Petit Parisien, publié dans La Patrie du 24 novembre 1899, intitulé La fin du monde :
Comment finira notre monde ? Depuis si longtemps que la catastrophe est prédite, on aurait pu, semble-t-il, se mettre d’accord sur les causes du désastre. Il n’en est rien.
Un prophète du nom d’Adhémar a dit que la Terre perdrait son équilibre par le poids toujours croissant des glaces du Pôle-Nord, et il avait calculé le temps qu’il faudrait pour cela : nous en aurions encore pour 6,300 ans. L’indien Kalidaça, avec plus d’ironie que de science, disait, lui, que c’est le poids des sots qui ferait chavirer la Terre. On a vu que l’Autrichien Falb veut, pour sa part, que la fin du monde soit causée par une comète, et même il précise : ce sera le 13 novembre, de deux à trois heures, que l’astre à queue flamboyante nous engloutira sous un véritable déluge de feu. De deux à trois heures, c’est bien net ! On est prévenu du moment exact où aura lieu le terrible phénomène.
Les vrais savants n’admettent pas cette hypothèse d’un noyau de comète heurtant notre globe. Ils sont d’avis que c’est de froid que la Terre périra. Le Soleil se refroidit progressivement, et, quand il ne nous distribuera plus la lumière et la chaleur nécessaires à la vie animale, c’en sera fait de nous. Mais, d’après les calculs, cette fin de notre globe par le refroidissement n’arrivera guère avant dix millions d’années. Nous avons donc quelques siècles sur la planche.
Il y a d’autres hypothèses. M. Thomson, un savant anglais, nous promet l’anéantissement par suite d’étouffement faute d’oxygène respirable. Ce serait l’asphyxie. Un autre nous menace d’une explosion du feu que la Terre contient à l’état permanent en ses entrailles. Un autre encore parle du débordement des mers. Il y a aussi un savant russe, M. Bétékoff, qui a voulu démontrer que l’extinction du genre humain aurait lieu par suite du manque de nourriture. On faisait remarquer que c’était ainsi pronostiquer la « faim » du monde. D’après M. Bétékoff, la Terre n’offrirait plus, à un certain moment, de surfaces cultivables; partant, plus de récoltes; par conséquent aussi, plus d’animaux, par le fait du manque de pâturages.
Qui a raison ? Je ne me charge pas de le dire. Ce que je constate seulement, c’est que tous ces savants, contrairement au peu aimable M. Falb, sont d’accord pour assigner à notre planète une existence de plusieurs millions d’années. Eh bien ! nous n’en demandons pas davantage, et puisque, en somme, nous voilà sûrs que la Terre ne manquera pas de sitôt sous nos pieds, occupons-nous moins des causes qui y amèneront notre fin que des moyens d’y vivre le mieux possible.
Ces chroniques arrivent à point : l’émission Découverte de demain (11 décembre 2011) sera consacrée à la fin du monde annoncée pour 2012.
Je retiens toutefois l’hypothèse de « l’anéantissement par faute d’oxygène respirable ». Voilà une prophétie plus probable mais moins exploitée par Hollywood que celle de la menace d’un gigantesque astéroïde qui, avouons-le, se prête à de meilleurs effets visuels.
Bonne fin du monde qu’elle soit pour aujourd’hui… un jour… ou jamais !
Et Joyeuses Fêtes auparavant, cher Normand.