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Les marques de l’histoire

En 1903, un Oblat originaire de Bretagne, grand prédicateur, Victor Lelièvre (1876-1956), arrive à Québec et s’installe à la paroisse Saint-Sauveur, un faubourg de condition modeste. Il entreprend là de développer la dévotion au Sacré-Cœur. Tous les premiers vendredis du mois, à 18 heures, fin de la journée de travail des ouvriers, il y a adoration du Saint-Sacrement à l’église de la paroisse, rue des Oblats, animée par le père Lelièvre. Et, le jour de la fête du Sacré-Cœur venu, il organise une grande procession.

Dans un article intitulé La foi de nos ouvriers, le journal Le Soleil du 5 décembre 1908, décrit cette rencontre autour de l’adoration du Saint-Sacrement.

Quel spectacle consolant, émotionnant, que celui de ces milliers d’ouvriers, en habits de travail, la figure noircie, les mains portant les marques d’un travail ardu, pieusement agenouillés devant le Saint-Sacrement exposé sur l’autel brillamment illuminé !

Qu’il fait bon au cœur d’entendre ces ouvriers, nos compatriotes, prier à haute voix, chanter à pleins poumons et avec un ensemble le si beau cantique des ouvriers au Sacré-Cœur et les autres motets. Plusieurs milliers d’hommes assistaient hier soir à cette solennelle cérémonie du premier vendredi du mois. C’est le R. P. Lelièvre, le véritable apôtre du culte du Sacré-Cœur, qui présidait cette pieuse cérémonie.

Bien sûr, nous pouvons juger avec notre tête d’aujourd’hui cette idée de développer la dévotion au Sacré-Cœur. Mais autres temps, autres mœurs. Passons à autre chose.

* * * *

Ma maison de campagne fut construite entre 1920 et 1922. Impossible d’obtenir une date plus précise. En 1920, il n’y a rien sur ce terrain; en 1922, voici une maison et une grange, disent les documents officiels de comté. Or, sur le linteau des portes arrière et avant, en plein centre, se trouve un médaillon gravé à l’effigie du Sacré-Cœur, aujourd’hui quasi disparu sous les couches de peinture.

Un jour, un de mes frères sort de la maison avec un ciseau à bois et un marteau. Que t’apprêtes-tu à faire? que je lui demande. Enlever ces médaillons qu’il me répond.

Je m’y suis objecté immédiatement. Non pas pour des raisons religieuses, car voilà une certaine éternité que nous étions entrés dans une église. Mais parce qu’il y avait là les marques de l’histoire. Cette maison voguait dans l’univers avec tous ses biens, beaucoup des traces de ceux qui nous avaient précédés. Pourquoi soudain l’appauvrir ? En un autre temps, des habitants de l’endroit avaient senti le besoin d’y apposer ces signes à chacune des entrées. La dévotion au Sacré-Cœur s’était rendue jusque dans ce lieu, à une heure de Québec.

Aujourd’hui, les deux médaillons sont toujours là et il me plaît de les savoir là. Arriverez-vous même à les reconnaître, évanescents qu’ils sont devenus sous les couches de peinture ?

Celui apparaissant ci-haut se trouve sur le linteau de la porte arrière, la porte quotidienne, la porte de l’amitié; celui du bas, plus spectaculaire, dirait-on, sur le linteau de la porte avant.

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