Le marché de Trois-Rivières
Même tard en novembre, le marché de Trois-Rivières continue d’être bien fourni. Mais pas question d’y trouver de la perdrix. À l’été 1901, le gouvernement du Québec décide que la chasse à la perdrix pour fins de commerce sera défendue au cours des deux prochaines années. On croit cette chasse trop intensive. Aussi, toute personne qui sera prise à vendre des perdrix ou qui en aura en sa possession pour les vendre sera mise à l’amende. Après entente avec le gouvernement, le Fish & Game Protection Club verra au respect des nouveaux règlements.
Déjà, le 30 mars 1900, le journal montréalais La Presse évoquait ce qu’il appelle alors le massacre des perdrix, et se demandait :
Ce magnifique gibier disparaîtra-t-il de nos forêts du nord ? M. R. Martin, l’un des plus intrépides chasseurs du Nord, est passé, ce matin, au bureau de colonisation. Il a déclaré au reporter de « La Presse » que malgré la sévérité de la loi l’on continue d’abattre les perdrix par centaines. Dans deux ans, dit-il, si l’on ne prend pas les mesures les plus énergiques pour mettre un frein à la fureur de ces destructeurs de gibier, il n’y aura plus de perdrix dans nos forêts du Nord. Or, la loi de chasse défend expressément la chasse à la perdrix du 15 décembre au 15 septembre. Le malheur est qu’en tuant une perdrix l’on perd du coup, bien souvent, la couvée de cinq ou huit poussins. On parle d’exposer la situation au gouvernement.
Mais revenons au marché fourni de Trois-Rivières. Le 26 novembre 1901, le journal Le Trifluvien écrit :
Le marché de samedi dernier a été aussi important que les précédents. Il y avait même plus de volailles, surtout des dindes. La viande a subi une légère baisse. Les fumeurs pouvaient faire leur provision sans chercher longtemps ni dépenser des sommes folles.
Les amateurs de gibier, par contre, avaient l’oreille basse : peu de lièvres et pas de canards. Quant aux perdrix, c’est du fruit défendu. Une loi les protège et punit ceux qui les tuent.
Un chasseur heureux vendait des quartiers de chevreuil au prix de 15 à 20 cts la livre, cinq fois plus cher que dans le temps.
Source de l’illustration montrant le fruit d’une chasse à la perdrix : Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Québec, Fonds Ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, Office du film du Québec, cote : E6, S7, SS1.
Je suis très étonné de voir qu’on craignait, en 1900, la disparition de la perdrix alors qu’en fait la ville n’était qu’une infime partie de ce qu’elle est aujourd’hui (toute la section de la Basse-ville soit les quartiers du centre-ville, Saint-Philippe et des Ursulines) et qu’elle était entourée de forêt.
Sans doute, à l’époque, on n’était pas en mesure d’aller chasser trop loin car dans ma p’tite jeunesse des années 60 et 70, perdrix et lièvres abondaient encore là où s’élève aujourd’hui le centre commercial Les Rivières (boulevard des Forges) de même que du côté du Cap-de-la-Madeleine, via le pont ferroviaire, dans la zone commerciale qui borde l’autoroute et le pont Radisson.
Soit-dit en passant, le Marché de Trois-Rivières dont il est question dans l’article avait été construit en 1868 et détruit 40 ans plus tard dans le grand incendie de 1908. Le marché que nous avons connu dans notre enfance était un imposant immeuble qui a été rasé au début des années 60 pour permettre la construction du magasin à rayons Pollack. L’immeuble de briques blanches (coin des Forges et Badeaux) abrite maintenant des bureaux dont ceux de Radio-Canada-Mauricie depuis environ deux ans.
À vrai dire, on se rendait compte alors que la perdrix, à tant être chassée, disparaissait par taches, je dirais. C’est-à-dire que des régions du Québec en était dépeuplée et il fallait une législation en interdisant la chasse à l’ensemble du Québec. Un autre type de législation, par régions, par exemple, aurait été bien difficile à appliquer.
J’oubliais, mon cher Normand. Merci pour ces détails sur l’histoire du marché de Trois-Rivières.