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Quand je vous dis que nous sommes plusieurs à profiter de l’hébergement de l’arche

Aujourd’hui, voici que se présente cette belle dame alors que j’étais assis sur la galerie avant. «Bonjour. Tu es bien belle» que je lui dis. C’est toujours ainsi que je leur parle. Et elle est restée là avec moi durant au moins une dizaine de minutes. Me regardant, tout à fait calme, mais cherchant aussi sur le plancher des graines de tournesol. J’ai même pensé un moment qu’elle poserait ses pattes de devant sur ma cuisse. Mais les écureuils ne lui avaient rien laissé, sinon des cosses, que du vide. Et elle a bientôt décidé de poursuivre sa route.

Je l’ai suivie, bien sûr, pour tout «attraper» d’elle, le moindre mouvement. Reportage d’hiver. Sorte d’instant d’éternité. Elle a filé un moment dans le chemin menant vers la route, puis a décidé de monter avec efforts dans la neige haute — je l’aimais, petite vaillante — pour disparaître finalement du côté ouest, derrière la grange. Le seul reproche que je lui aurais fait, mais je fus poli, c’est qu’avant de sortir de la maison, elle avait oublié de se parfumer avec son Acqua di Gio pour dames, de Giorgio Armani. Gamine !

Je ne comprends pas les personnes qui lui font bien mauvaise réputation. Jamais il ne m’est arrivé chez moi d’être malheureux de sa présence et de celle de ses prédécesseures. J’ai toujours été d’une grande douceur avec elles et toujours elles me l’ont rendu. Je suis sérieux, j’aime l’apparition soudaine d’une mouffette chez moi.

Charles-Eusèbe Dionne, dans son livre Les Mammifères de la province de Québec (Québec, Dussault et Proulx, 1902) dit d’elle : «La Mouffette est un joli petit animal timide et peu farouche, aux mouvements lents, et que l’on prendrait à première vue pour un petit chien; mais elle possède un moyen de défense que n’oublient pas ceux qui en sont les victimes.» C’est ce qui fait qu’on l’appelle bête puante. Le frère Sagard, lui, au début de la colonie, le premier, semble-t-il, à en parler, la qualifie de l’Enfant du diable.

«Comme la plupart des mammifères, écrit Dionne, la Mouffette est nocturne; mais on la rencontre aussi le jour. […] Audubon nous dit qu’il n’y a aucun quadrupède sur le continent de l’Amérique du Nord dont la présence soit plus généralement détestée que celle de la Mouffette. […] La Mouffette fait quelquefois son nid dans un arbre creux, dans les crevasses de rochers; mais le plus souvent elle creuse, près de la surface du sol, un terrier de six à huit pieds de longueur qui se termine par un agrandissement capable de contenir plusieurs individus.

«Les Mouffettes, à l’instar des animaux hibernants, s’engourdissent en hiver, mais ce n’est que tard à l’automne qu’elles s’enferment dans leurs gîtes. Elles se réunissent en famille pour cette fin, et l’on en a rencontré jusqu’à quinze qui avaient passé l’hiver dans un seul terrier. Dans le sud, où l’hiver est peu rigoureux, elles ne s’endorment point à cette saison de l’année.

«Lorsque la Mouffette est prise jeune, elle s’apprivoise facilement; elle est joyeuse, manifeste beaucoup d’attachement pour son maître et la suit comme un petit chien.

«Elle met bas en mai de huit à dix petits.

«On utilise sa fourrure sous le nom de Martre d’Alaska.»

Quand Dionne parle d’apprivoisement, j’y ai bien pensé sur la galerie, tout à l’heure. J’ai vraiment cru, un instant, qu’elle poserait ses pattes de devant sur ma cuisse. Alors, c’est certain, je l’aurais flattée, bien qu’elle ne se soit pas parfumée avant de sortir.

Et puis vous imaginez mon bonheur de me présenter dans un Salon du livre avec ma Mouffette ou ma Corneille, domestiquée !

P. S. À regarder les images, c’est certain qu’elle m’a toujours à l’œil, même à distance. Mais on ne se connaît pas encore. Et vous auriez dû la voir sur la galerie. J’ai beaucoup aimé son «apparition», nous étions du même monde.

Vous voulez que je vous dise : parfois il m’arrive de penser que si nous devions, comme Humanité, choisir comme «figure symbolique», comme «emblème» une des bêtes avec qui nous vivons, nous serions du «grand monde» en choisissant la Mouffette. Et je  vous le dis, je ne me moque pas. Beaucoup des traits qu’elle a sont les nôtres aussi.

Voir aussi le texte du naturaliste Claude Mélançon sur la Mouffette.

moufettequatre

10 commentaires Publier un commentaire
  1. Ode #

    Encore une belle histoire !
    Magnifiques ces photos. Je ne sais si j’aurais osé ???
    Bon dimanche !

    30 mars 2014
  2. Jean Provencher #

    Merci, chère Ode. Oser est un bien grand mot. Avec une mouffette, il faut toujours la laisser décider et surtout ne pas la brusquer. Je trouve que les mouffettes sont des bêtes adorables.

    30 mars 2014
  3. Mario Gervais #

    Eh bien, dis donc..! Je constate, presque sans surprise, que nous partageons aussi cette affection pour la Mouffette rayée..!

    Depuis que je demeure dans un village, j’ai rarement l’occasion de côtoyer ce superbe mustélidé… mais il fut une époque où à la campagne, tout comme toi, j’ai vécu de beaux moments avec elles (eh oui, au pluriel..!)… Tiens que je te raconte brièvement :

    En 1998, une mouffette a élu domicile dans un terrier de marmotte à 6 mètres de la maison. À l’époque, certaines effluves me parvenaient quand je passais près de cet endroit… N’ayant pas encore fait connaissance, et surtout par ignorance, inutile de te dire que je marchais les fesses serrées..! C’est assis bien tranquille derrière la maison, par un un bel après-midi chaud du 6 juin, que j’ai eu le privilège de voir surgir du ravin ces deux charmantes jeunes bêtes, toutes ébouriffées… regardant partout aux alentours… car de toute évidence, elles découvraient le monde, curieuses et émerveillées… et ce, sans faire de cas de ma présence. Tout un spectacle qui se déroulait à 4 mètres de moi, jumelles au cou, qui restera à jamais gravé dans ma mémoire…!!!

    L’été suivant, c’est par un 2 juillet que j’ai pu observer à loisir quatre jeunes..! Ils et/ou elles faisaient déjà environ 25 cm sans compter la queue. De toute beauté..!

    Puis, au printemps de l’an 2000, entre le 15 et le 24 mai, j’ai pu observer à quelques occasions une mouffette adulte ramasser ça et là des brindilles, lesquelles je présume devaient servir à la confection d’un nid douillet…? Toujours est-il que j’ai eu le loisir d’observer trois petits, le 17 juin suivant…

    Alors, mon cher, je souhaite ardemment que tu puisses trouver un terrier à proximité de chez toi…! Pour ce faire, un conseil : fie-toi à ton pif..!!! ha! ha! ha!

    Ce sont effectivement de fort belles bêtes, douces, sans malices aucunes (mais qui ne se laisse pas importuner pour autant..!!!) avec qui, je l’espère, tu auras le temps de faire plus ample connaissance… D’autres super beaux clichés en perspective..!

    Bonne chance avec tes observations… et tiens-nous au courant..!

    Mario

    P.-S. Qui sait… un éventuel apprivoisement en perspective..? ;-)

    6 avril 2014
  4. Jean Provencher #

    Merci, merci, merci, cher Mario, de ce précieux témoignage avec tes mouffettes. Des bêtes, comme tu dis, sans malice aucune, sans méchanceté, mais qui ne se laissent pas importuner pour autant. Tout à fait cela.

    Éventuel apprivoisement ? J’hésite à apprivoiser des bêtes, car, se faisant à la bête que nous sommes, elles peuvent en payer le prix un jour. Un autre humain passant un jour et «se la payant», elle sans méfiance. Mais pour la mouffette, pourquoi pas ? Tous la craignent et n’oseraient l’approcher.

    7 avril 2014

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